Ateliers d'écriture

Mon ami et collègue Erwan organise régulièrement des ateliers d'écriture ouverts à toustes. J'essaie d'y participer dès que je peux, parce que j'aime aussi écrire en dehors de la BD. Ça me permet de pratiquer le format de la fiction (très) courte, que je trouve particulièrement intéressant. Enfin, comme chaque texte est écrit avec des contraintes plus ou moins importantes, le plaisir est toujours renouvelé !

Note : Cette page n'est pas à jour, j'ai beaucoup de textes en réserve. Mais je dois tous les taper au clavier pour pouvoir les publier ici et ça prend du temps. Oui, j'écris tout dans un carnet lors des ateliers. C'est parce que je suis un fétichiste des stylos. En tout cas je remplis cette page petit à petit.

Date : 17/05/2025

Exercice : écrire un texte qui décrit ou met en scène la relation entre deux personnes (parent-enfant, employeur-employé-e...)

Chtok !
Le carreau de l'arbalète vint se ficher avec un bruit menaçant dans le mur, à une dizaine de centimètres de son cœur. Marl comprit qu'il avait été repéré et prit aussitôt la fuite. La silhouette qui se découpait dans la lumière de la porte principale grande ouverte se mit aussi en mouvement. Marl avait atteint le grand salon, là où se trouvait le passage secret qui lui permettrait de rejoindre les catacombes et de s'enfuir à travers ses couloirs labyrinthiques qu'il connaissait par cœur. Mais à peine eut-il posé le pied sur le tapis central que le piège concocté par son attaquant s'activa : les lourds rideaux qui cachaient les hautes fenêtres du salon tombèrent tous en même temps, laissant ainsi passer les rayons du soleil à travers les vitres. Les volets extérieurs avaient aussi été tous arrachés.
"AAAAARRRRRHHH !!!"
Marl se tordit de douleur dès que la lumière commença à lui brûler la peau. Il s'effondra sur le tapis. À ce moment-là, Simon rentra dans la pièce, son arbalète toujours à la main. Il mit en joue sa proie, réfugiée dans un espace tout au centre du salon que le soleil ne touchait pas.
"Alors, tu t'es enfin décidé à me chasser pour de vrai ?" siffla le vampire.
- "Pour de vrai ?" Va te faire foutre, Marl.
- Ha ha ha, alors tu n'avais vraiment pas connaissance de ma planque ? Et bien bravo pour l'avoir trouvée après toutes ces années.
- J'espère que tu apprécies à quel point j'ai mis à profit cette information rapidement, connard. Il m'a fallu à peine 3 jours pour poser tous ces pièges. Tu es devenu un peu trop confiant avec le temps.
- "Ces" pièges ?" Marl se montra curieux. "Tu en as d'autres à part les rideaux du salon ?
- Tu ne m'auras pas comme ça." cracha le chasseur. "De toute façon c'est la fin pour toi. Ton nom ne sera bientôt plus qu'une légende locale."
Le vampire ne se laissa pas démonter par l'annonce de sa mort imminente. Le chasseur ne baissa pas son arbalète.
"Avoue, ça va te manquer de me courir après."
Simon ne répondit pas de suite, ce qui amusa Marl. Parce que ce qu'il avait dit était vrai, mais jamais le chasseur ne l'aurait admis.
"Il y a des tas d'autres suceurs de sang dans ton genre qui n'attendent que d'être réduits en poussière. Je n'aurai aucun mal à te remplacer.
- C'est ce que tu dis, mais tu verras quand tu rencontreras mes semblables. Tu verras comme ce que nous avions était spécial."
Simon répondit en tirant un carreau qui atteignit Marl à l'épaule. Ne se laissant pas déstabiliser, le vampire se jeta sur le chasseur, qui ne sortit pas son pieu assez vite. Marl mordit Simon à la gorge et la lui arracha. Il but son sang jusqu'à la dernière goutte.
"Jamais je ne t'aurais transformé, Simon. Je te devais au moins ça."
Le vampire regarda le cadavre de son meilleur ennemi avec une pointe de tristesse.
"Je t'ai vu hésiter quand je t'ai sauté dessus."
Marl toussa. Ce n'était pas l'émotion. Il se sentit mal et toussa encore plus fort. Il se tourna vers le corps de Simon et il remarqua alors que ce dernier était mort avec le sourire.
Marl toussa et eut un haut-le-cœur et vomit. Le sang qu'il avait bu brûlait. Il rit.
"Maudit chasseur ! Tu es allé jusqu'à empoisonner ton propre sang ?" Nouveau vomissement. La vision de Marl se troubla. "Je n'en attendais... Pas moins... De toi..."
Le vampire s'écroula. Ses yeux étaient tournés dans la direction de ceux du chasseur. Ils souriaient, tous les deux.

⁂⁂⁂

Exercice : écrire un texte en partant de son titre.

23 minutes de paradis

Le train file à travers la ville. Pourquoi va-t-il aussi lentement aujourd'hui ? Il ne sait pas que c'est un jour spécial ? Le jour le plus important de l'année ? À côté de moi, Kyokô et Kairi discutent et rient mais je ne les entends pas. Je n'entends personne dans ce train de banlieue pourtant bondé. Je ne pense qu'à une seule chose. Un seul objectif, depuis le début de la journée.
La diffusion ce soir du dernier épisode de Shiramayonoi.
Je n'arrive toujours pas à croire que mon anime favori se termine. J'arrive encore moins à croire que la dernière saison soit d'aussi bonne qualité ! Ça a mis toute la communauté par terre. Le studio a vraiment réussi à sauver la série de l'enfer !
Quand le train s'arrête à ma station, c'est à peine si je pense à saluer mes ami-e-s. Je saute même par-dessus la barrière ! Je suis pressée monsieur l'agent, désolée ! Je cours à travers les rues pour aller chez moi. Surtout ne rater la diffusion sous aucun prétexte ! J'ouvre la porte d'entrée à la volée, ce qui me vaut une remarque de ma mère. Je m'excuse tout en enlevant mes chaussures. Maman me demande un truc mais je lui réponds que je n'ai pas le temps. Je file dans ma chambre et je claque la porte. Ça va bientôt commencer ! J'allume la télé, ooooh comme je suis impatiente ! Ça y est, ça y est ! Les premières notes du générique retentissent...

Le train file à travers la ville. Je suis adossée à la vitre, je regarde les immeubles défiler, mais je ne les vois pas vraiment. Je suis trop crevée pour ça. La voix de ma cheffe raisonne encore dans mes oreilles et je chope une nouvelle migraine. Je ne l'ai jamais vue s'énerver comme ça, je ne savais même pas que c'était possible. À tous les coups, elle doit s'être fait un ulcère pendant la production. Faut dire qu'elle a été particulièrement catastrophique. Comment aurait-il pu en être autrement ? Quelle idée de confier la production de la saison finale de Shiramayonoi à notre studio. Je sais pas comment le directeur a réussi à obtenir un tel contrat, mais nous mettre un aussi gros projet entre les mains, c'était pour le moins osé. Les fans nous attendaient au tournant, il ne fallait surtout pas les décevoir.
Bosser sous pression, c'est monnaie courante dans l'industrie de l'animation, mais là... Ce n'était plus de la pression, c'était carrément de la torture ! Heures sup' obligatoires couplées à des délais impossibles. Des exigences largement au-dessus de nos capacités, recrutements en catastrophe, refonte du process au tiers de la production, épisodes à refaire, intégralement. Nous étions voué-e-s à échouer. Et c'est ce qui arriva.
La gueule des responsables de la chaîne TV quand on ne leur a livré que la moitié des épisodes à la date de diffusion... Je n'aurais pas aimé être à la place des producteurs. Remarque, je n'ai pas aimé être à ma place d'animatrice après non plus. La responsabilité de rattraper ce retard nous est retombée dessus, évidemment, et les cadences infernales ont repris. Nous avons découvert la joie de la production à flux tendu ! L'épisode devait être terminé juste avant la diffusion, sans révision ! Ce qui fait que nous serions encore plus gravement puni-e-s en cas d'erreur. Et à toute cette pression hiérarchique s'ajoutait celle de la fandom. Se rendre sur les réseaux pendant cette production en catastrophe relevait pratiquement du suicide. J'ai vu une collègue aller dans les toilettes au boulot pour pleurer, son téléphone était par terre, ouvert sur Twitter. C'était un vrai carnage. Moi je m'y suis rendue une fois pour désactiver mes notifications, mon regard a glissé vers une mention et je n'en ai pas dormi de la nuit. Votre première menace de mort, ça laisse une trace. Je crois que le community manager du studio a démissionné, à cause d'une dépression.
Enfin, tout ça c'est fini. Le dernier épisode a été diffusé toute à l'heure. Le fait qu'il ait été prêt à temps relève du miracle. À force, j'ai appris à reconnaître les signes du burn-out. Je crois que cet épisode est responsable à lui seul d'au moins un tiers de ceux qu'on compte au studio.
Je rumine tout ça en tournant la clé dans la serrure de mon appart'. Je ne rêve à rien de plus qu'un bon bain chaud et oublier tout ça. Me fondre dans l'eau et oublier Shiramayonoi, le studio, ma cheffe, l'horrible fandom. Tout oublier.
Je prends mon téléphone. Je vais pouvoir réactiver mes notifications. C'est peut-être encore un peu tôt, mais je prends le risque. Peut-être que, au fond, j'ai envie de savoir...
La première notification est un post d'une certaine @Hibikiluv78 (Hibiki, c'est le prénom de l'héroïne), qui a dû être posté juste après la diffusion du final...

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa!!!!!!!!!!!!!
T_T T_T T_T T_T T_T T_T T_T >3< >3< >3< >3< >3< >3< >3< >3< >3<
C'était IN-CRO-YA-BLE !
C'était le meilleur épisode de la série ! Fantastique ! Quelle conclusion ! 23 minutes de paradis !
J'ai passé toute la journée à attendre la diffusion de cet épisode ! Au réveil, au lycée, dans le train retour ! Et je n'ai pas été déçue ! L'histoire d'Hibiki se conclue de la meilleure façon possible. C'est beau et tragique en même temps, mais comment pouvait-il en être autrement ?
Bravo au studio pour la réalisation ! L'animation du combat final était grandiose ! Ça valait l'attente de cette deuxième moitié de saison. Je sais que ça n'a pas dû être facile, surtout vu l'ambiance ici... Mais je veux vous dire qu'on apprécie votre boulot ! On le voit ! Merci, merci du fond du cœur d'avoir fait de Shiramayonoi ce qu'il est : un chef-d'œuvre ! <3 <3 <3 <3 <3 <3 <3 <3

Je repose mon téléphone. Je me fais couler un bain. Je chiale comme une madeleine.
Je le savais. Je le savais, bordel de merde.
Ça valait quand même le coup.
Merci à TOI, fan inconnue.

Date : 3/05/2025

Exercice : Nuage de mots. Écrire un texte qui comporte le maximum de mots de la liste suivante : bourdonnement, limpide, moulin, excitation, fiançailles, respirer, cascade, enivrant, anathème, amphore, paix, enfance.

Il marche d'un pas tranquille dans la forêt. Il fait chaud, mais les frondaisons le protègent du soleil. Dans l'obscurité des feuillages, il se sent bien. Autour de lui, il n'y a que les bruits de la nature. Le bourdonnement des insectes dans l'air. Le fracas d'une cascade toute proche. Quelques chants d'oiseaux. Tout en continuant de progresser dans le bois, il se laisse aller à toutes ces sensations. C'est enivrant, cela fait tellement longtemps qu'il n'a pas été au contact de la nature... Donc il en profite.

Mais il continue d'avancer. Au détour d'un dense bosquet, il tombe nez à nez avec un moulin. Le premier signe de vie humaine depuis son entrée dans la forêt. Il s'arrête quelques instants pour le regarder, pour voir s'il y a quelqu'un aux alentours. Puis il reprend sa route.

Il suit la rivière. L'eau est limpide, son glouglou est apaisant. Malgré tout, une forme d'excitation commence à monter en lui. Il va bientôt trouver d'autres personnes, il en est sûr. Il doit forcément y en avoir.

Soudain, il atteint l'orée de la forêt. Une grande plaine s'étend en face de lui. Le vent secoue les herbes. Un peu plus loin il aperçoit des maisons.
Il a donc réussi.
Il s'asseoit dans l'herbe et observe. Il y a du monde sur la plaine : tout un groupe qui semble faire la fête. La liesse se lit sur les visages de l'assemblée, tout le monde respire la joie. Surtout les deux jeunes gens qui se trouvent au centre du rassemblement. Il n'est pas familiers des coutumes locales, mais selon son analyse, vues leurs tenues, vues leur attitude l'une enver l'autre, il s'agit de fiançailles.
Ça le touche beaucoup, lui rappelle des souvenirs. Voilà bien longtemps qu'il n'a plus assisté à ce genre de célébrations. Il en connaît bien la raison. C'est le genre de choses que l'on réserve plutôt aux temps de paix. Quelque chose qu'il n'a connu que brièvement, durant son enfance.

Mais c'est fini tout ça. Il en est sûr. Il a enfin trouvé l'endroit qu'il cherchait. Un endroit où il pourra vivre loin d'eux. Il se relève, ému et commence à s'approcher des festivités.
C'est là qu'il les entend. Impossible qu'il se trompe sur ce bruit, il le connaît trop bien.
Ils sont là. Comment ont-ils pu le retrouver ? Il avait pourtant pris toutes les précautions ! Mais ils ont été plus forts à la traque.
Il panique, commence à courir vers la fête. C'est là qu'il prend conscience de sa présence ici. Il vient de condamner tous ces gens. car ils n'ont aucune pitié. Ils viennent pour le retrouver et le punir. Et ils puniront aussi ces gens innocents, car une telle liberté, une telle insouciance est anathème à leur ordre.
Il veut demander pardon aux gens qui font la fête, il court, il crie, mais trop tard. Ses poursuivants sont là. Ils jaillissent de la forêt avec leurs machines de mort. Dans un instant, tout sera fini.

Mais voilà qu'il s'arrête, à quelques mètres des fiançailles. Tout le monde s'est arrêté, la musique s'est stoppée. On le regarde lui, et d'autres regardent les assaillants. Pourquoi personne ne s'enfuit ? Ne voient-iels pas le danger ? Ou sont-iels résigné-e-s face à la mort ?
Avant qu'il ne comprenne ce qui se passe, quelqu'un l'attrape et l'emmène d'un bond. Le mettre à l'abri. Il ne comprend pas la langue, mais on le place derrière un gros tas d'amphores vides en lui faisant signe de ne pas bouger. Puis on retourne à l'assaut.
Oui. Levant la tête de derrière sa cachette, c'est bien ce qu'il voit. Ces gens qu faisaient la fête il y a quelques minutes sont en train de se jeter sur ses poursuiveurs avec une rage guerrière inconcevable. Les assaillants ne s'attendaients pas à ça, pas plus que lui. La fureur des ex-fêtard-e-s s'abat sur eux et les détruit avec une violence qui contraste plus que fortement avec l'harmonie qui régnait dans la plaine à sa sortie de la forêt.
Il regarde la bataille, fasciné.

⁂⁂⁂

Exercice : Phrase de début. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

"Je n'aurais pas dû venir, je le savais...
- Allons, Crimson Flame ! Une superhéroïne ne recule jamais devant le danger !"
Tandis qu'il déblatérait pour motiver son alliée, Crashman prenait la pose, celle qui faisait fureur dans les cours de récré du primaire dans tout le pays.
Ça ne semblait pourtant pas fonctionner sur elle.
"Ok mais il y a danger et DANGER. Il y a bien SIX massacrodroïdes qui gardent cet endroit ! Jamais le Dr. Nefariox n'en a déployé autant !
- Raison de plus pour croire que ce qu'il cache derrière cette porte est important pour lui !" répliqua le héros que le danger rendait encore plus téméraire. "Et donc dangereux pour la population !
- Non, sérieusement, Crash, c'est trop pour nous. Au moins, allons chercher des renforts...
- Pas le temps ! Qui sait combien de temps il nous reste avant que son terrible plan ne soit mis à exécution ? Nous devons agir..."
Crashman pris son air sérieux. Crimson Flame savait que cela signifiait qu'il était sur le point de faire quelque chose de particulièrement stupide.
" MAINTENANT !" hurla le super-imbécile. Et il se jeta du toit.
"Putain de merde Crash quand est-ce que tu vas apprendre à avoir une vraie tactique !" geignit l'héroïne tout en se mettant en position.
Malheureusement pour elle, les pouvoirs de Crashman gagnaient en efficacité à être utilisés de la manière la plus bourrine possible. Plus il fonçait dans le tas, mieux ça marchait. Aussi n'avait-il jamais eu besoin d'apprendre à réfléchir avant d'agir. Et ne le ferait-il sûrement jamais.

Le combat contre les massacrodroïdes fut intense mais assez rapidement expédié. Crashman se battait contre eux au corps-à-corps tandis que Crimson Flame le soutenait depuis le toit en leur jetant des boules de feu explosives juste ce qu'il faut. Les robotos furent bientôt réudits à l'état de métal fondu et cabossé.
"On a sûrement dû déclencher plusieurs alarmes avec tout ce raffut..." geignit encore Crimson Flame en descendant de l'immeuble.
" Peu importe ! Nefariox peut nous envoyer tout ce qu'il veut, il ne pourra nous arrêter ! Tu sais pourquoi ?
- Parce que nous avons la justice de notre côté ?
- PARCE QUE NOUS AVONS LA JUSTICE DE NOTRE CÔTÉ !" hurla Crashman, déclenchant la dernière alarme qu'il leur restait à déclencher, celle qui détecte les personnes bien trop sûres d'elles-mêmes (une invention du Dr. Nefariox).
Crimson Flame, habituée à ce cirque, ne réagit pas.
"Après toi." dit-elle.

Les superhéro-ïne-s ouvrirent la porte et entrèrent. Iels progressèrent un moment dans l'obscurité, dans des couloirs labyrinthiques, remplis de tuyaux. Au bout d'un moment, des pièges firent leur apparition, ce qui leur confirma qu'iels allaient dans la bonne direction. Iels finirent par tomber sur une grande porte cachée comportant l'emblème de Nefariox. Iels l'ouvrirent et entrèrent.
"Je crois qu'on a trouvé son labo..." chuchota Crimson Flame.
- Tant mieux !" dit Crashman d'une voix normale car il n'avait jamais eu besoin d'apprendre à chuchoter non plus. "On va pouvoir démolir tout ça !
- Tu ne veux pas qu'on en apprenne un peu plus sur son plan d'abord ? Savoir pourquoi on est là, ce genre de choses ?
- Nous sommes là pour faire régner la justice, mais soit. Je te laisse deux minutes de collecte d'information avant de tout casser."
La pièce était remplie d'ordinateurs qui semblaient en plein calcul.
"Ça m'a l'air d'être des endroits de la ville..." dit Crimson Flame en se déplaçant d'écran à écran. "Des immeubles, des chantiers...
- Sûrement les cibles de ses prochaines attaques de gaz toxique !
- Pas du tout." retentit une voix dans l'obscurité.
La pièce s'illumina d'un coup. Le Dr. Nefariox apparut, un projecteur braqué sur lui pour qu'on le voit bien, car il avait suivi des cours de mise en scène vilainesque et était sorti premier de sa promo.
"Je ne compte absolument pas détruire ces endroits, mes chers ennemi-e-s. Bien au contraire.
- Pas de ça avec moi, malfrat !" lança Crashman, fidèle à lui-même. "Peu importe ce que tu comptes en faire, prépare-toi à subir le courroux de la justice !
- Non, non, Crash, attend ! Il va nous révéler son plan, là, il faut qu'on l'écoute !" Crimson Flame tentait de raisonner son collègue.
Elle l'attrapa par le bras, ce qui le surpris suffisamment pour permettre au vilain de monologuer.
"Tout ce que vous voyez sur ces écrans d'ordinateurs ne sont pas des calculs mathématico-physiques, mais... Des transactions immobilières !"
Les superhéro-ïne-s émirent un cri de stupeur, par habitude.
"Oui, je suis en train d'utiliser tous les fonds accumulés par la vente de mes brevets de mes massacrodroïdes pour racheter tous les logements vides de la ville ! Tous les immeubles de bureau inoccupés ! Tous les AirBnB ! Et quand j'aurais tout réuni sous l'égide de ma SCI..."
Le docteur partit d'un rire machiavélique qui avait particulièrement rendu ses profs fier-e-s.
"Je donnerai des logements gratuits à TOUTES les personnes qui le demanderont !"
Nouvelle stupeur des héro-ïne-s.
"Plus personne ne manquera d'un toit !"
Il y eu une seconde de flottement.
"Misérable crapule !" vociféra Crashman.
"C'est trop bien !" s'extasia Crimson Flame.
Les deux collègues se regardèrent.
"Attends, Crash. Tu ne vois pas que ce n'est pas un plan machiavélique, mais une action désintéressée ? Une bonne chose ?"
- Peuh ! Subterfuge ! Tromperie !" cracha le tas de muscles. Se tournant vers Nefariox, il lança : "Avoue ! Tout ceci n'est qu'une ruse. Tu vas... Heu... Faire payer des loyers très très chers en vrai ! J'en suis sûr !
-Absolument pas." répliqua Nefariox, imperturbable. "Une fois mes logements tous remplis, je céderai leur propriété pour qu'ils deviennent un bien commun géré par ses occupant-e-s. C'est dans les statuts de ma SCI. Vous pouvez vérifier, ils sont là."
Une nouveau projecteur s'alluma pour mettre en lumière un dossier sur une table.
"Il dit vrai, Crash..." fit Crimson après l'avoir feuilleté.
Mais il ne l'écoutait pas. Son regard masqué était fixé sur son ennemi, qui n'avait pas bougé, attendant que la scène se joue.
"Tu nous as laissé arriver ici juste pour que nus voyions le bien-fondé de ton plan, c'est ça ?"
s'adressa Crimson Flame au docteur.
- Oui, tout à fait. Tu es maligne. C'est pour ça que j'ai voulu que tu viennes.
- Heu... Dans ce cas... Désolé, Crash, hein" fit-elle en se tournant vrièvement vers lui. "Pourquoi avoir fait venir Crashman aussi ?
- Je n'avais aucune idée comment l'en empêcher, je le reconnais. Je savais qu'il ne résisterait pas à l'envie de venir me corriger. C'est un risque que j'ai pris et que j'ai accepté.*
- Ha ha ! Voilà la faille dans ton plan ! Mon poing dans ta figure !"
D'un super-bond, Crashman se projeta sur le... Vilain ? Bienfaiteur ? En tout cas, le poing du bourrin rentra en collision avec le crâne de Nefariox, ce qui mit ce dernier immédiatement KO.

"Te voilà bon pour finir sous les verrous !" jubila Crashman devant son ennemi inconscient, tout en l'attachant. "Ton plan était voué à l'échec, de toute façon. Qui voudrait vivre dans un endroit appartenant à un supervilain notoire ? Aucun citoyen juste et honnête, ça c'est certain !"
Enivré par la pertinence de sa réflexion (sûrement un effet secondaire d'être entré en contact avec le cerveau d'un super génie, même si c'était par l'intermédiaire de ses phalanges), Crashman ne vit pas Crimson Flame continuer de fouiller le dossier de la SCI.
Jetant le docteur par-dessus son épaule, Crashman s'adressa enfin à sa collègue.
"Crimson Flame ? J'ai fini d'immobiliser ce gredin ! Allons le rendre aux autorités, où il sera détenu dans des conditions décentes, sûres, lui permettant de se rendre sereinement à un procès équitable, j'en suis certain."
La pyrohéroïne ne répondit pas.
"Crimson Flame ?"
Crashman remarqua enfin ce qu'elle était en train de faire.
"J'espère que tu regardes tous ces papiers pour réfléchir au meilleur moyen de les brûler.
- Pas du tout.
- Comment ça ?"
L'héroïne se releva et regarda son collègue pétri d'un sentiment de devoir accompli complètement inapproprié droit dans les yeux. Son regard à elle était dur.
"Comme tu l'as dit. Le plan du docteur ne pouvait marcher en l'état, personne n'aurait voulu de son offre à cause de sa réputation. Mais il avait tout prévu : les documents de la SCI ne mentionnaient pas qui en est propriétaire. Les informations avaient été laissées vides. Comme s'il fallait que quelqu'un-e les remplisse..."
Un temps de pause dramatique.
"J'y ai apposé mon nom. C'est moi la propriétaire de la SCI maintenant.
- Pardon ?"
Crashman était perdu. Encore plus que d'habitude, s'entend.
- Nefariox avait prévu la faille de son image. Il avait prévu que je viendrais aussi. Il avait prévu que je serais d'accord avec son plan. Il avait prévu que si une superhéroïne reconnue était à la tête de la SCI, là les gens accepteraient l'offre. Et il a eu raison.
- Crimson Flame ! Tu... Tu ne peux pas laisser ce plan diabolique se dérouler ! C'est un supervilain qui l'a monté ! Il ne peut qu'apporter malheur et injustice ! Tu as pensé aux propriétaires qui vont perdre des locataires ? Aux agences immobilières ?
- Bien sûr que j'ai pensé à ces gens. Je leur ai mentalement demandé d'aller se faire mettre.
- Crimson Flame !!!"
Crashman était perdu, scandalisé : entre la vulgarité inacceptable de sa collègue et son rangement du côté du plan du supervilain, il ne savait plus quoi faire.
Saisissant l'occasion, Crimson Flame commença à mettre le feu au laboratoire du Dr. Nefariox.
"Je sais que tu te tireras de ce brasier, Crash, tu t'en tires toujours. Mais tu n'auras pas le temps de me rattraper. Au plaisir de ne jamais se recroiser."
Puis elle s'enfuit du repaire, laissant là Crashman, voyant tout ce qu'il croyait savoir de la justice et de comment l'appliquer s'envoler dans les mêmes flammes que le labo.

*Lors de sa rédaction pendant l'atelier, le texte s'est coupé ici. Je savais comment il se terminait, mais je n'ai pas eu le temps de le faire. Comme j'aimais tellement le concept, je l'ai terminé après coup.

Date : 19/04/2025

Exercice : Thème. Écrire un texte qui décrit un lieu dans son passé et dans son présent.

Avant, la cour de recré de l'école primaire comportait quatre platanes. Le préau était un bloc de béton soutenu par quatre piliers durs et austères. Maintenant, les arbres ont disparu mais la cour est devenue plus lumineuse et pacieuse. L'école maternelle a changé de place et les deux établissements sont désormais voisins.
Le collège, lui, est toujours au même endroit. Avant, il y avait deux entrées : une par le parc, plus petite et la grande, celle de devant, où s'arrêtaient les bus. Aujourd'hui, ces deux entrées existent toujours, mais elles ont gagné en prestance avec les rénovations. L'entrée principale notamment est devenue une vraie esplanade et son mur avec le nom du collège gravé dans le béton a plutôt de la gueule.
Avant, la pharmacie s'appelait par mon nom de famille. Encore avant aussi. Et encore avant, c'était déjà le cas. Et même avant ça. Maintenant, elle s'appelle comme la montagne la plus proche. Néanmoins je ne pense pas que ça soit une mauvaise chose.
Avant, pas loin de l'entrée basse du village, il y avait un silo à grains où j'ai parfois vu des tracteurs déposer leur récolte. je me souviens du logo de la coopérative agricole qui ornait le mur. Maintenant, il n'y a plus rien de tout ça.
Avant, dans le jardin immense d'une villa qui jouxte à la fois la piscine municipale, le camping, le terrain de foot et le jardin d'une autre villa d'un membre éloigné de la famille, il y avait plus d'arbres qu'il n'y en a maintenant. Il y avait un tracteur-tondeuse à gazon que j'ai conduit quelques fois étant enfant. Il y avait plein de grillons cachés dans des trous dans la pelouse. Maintenant, ça doit toujours être le cas. Avant, il y avait en plein cœur de ce jardin une sorte de petit bosquet, un oasis, un sanctuaire païen avec un énorme rocher posé au milieu de multiples essences d'arbres. Maintenant, il est toujours là, il n'a pas bougé. Je me plais à croire qu'il ne bougera jamais.
Avant, là où se trouve maintenant le quartier le plus neuf du village, je ne sais plus ce qu'il y avait. Ce souvenir a disparu de ma mémoire.
Avant, dans cette immense maison appartenant à la paroisse chrétienne, il y avait une salle de cinéma avec des sièges en bois très durs et qui grincent. Maintenant, je n'ai aucune idée de ce qui s'y trouve. J'espère sincèrement que le cinéma est toujours là, inchangé depuis 30 ans.
Avant, dans le cimetière du village, il n'y avait personne que je connaissais. Maintenant, j'y ai deux grands-parents et une amie.
Avant, la rue qui va de chez ma mère jusqu'à la boulangerie du haut du village était une horreur à emprunter en voiture : impossible de croiser, il fallait avoir la chance que personne ne s'y engage quand vous y étiez. Maintenant c'est pareil mais le pavé a été refait et la priorité est officiellement aux piétons.
D'ailleurs, avant dans cette rue il y avait une boulangerie où je me rendais certains matins. Maintenant il y a donc l'autre quelques mètres plus loin et elle est vraiment nulle.
Avant, il n'y avait pas de librairie dans le village. Maintenant, il y en a une, qui est plus grande à chaque fois que j'y vais, avec un rayon BD extrêmement bien fourni et ça me remplit d'une joie difficilement descriptible.
Avant je vivais là-bas. Maintenant, j'y séjourne.

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Exercice : Phrase de début. Écrire un texte qui commence par la même phrase pour tout le monde.

Bientôt, je ne pourrai plus y échapper. Je sais que mon petit manège finira par être percé à jour. Mais en attendant, je profite de ma petite routine. Je suis attablée à la terrasse d'un café à l'angle des rues Hébert et Jean Placé. C'est là où je suis censée me trouver selon ma mission, mais si je me trouve dans cet établissement actuellement, c'est plus parce que j'adore leurs gaufres que par sens du devoir. Le fait que mon Interface Portable ne m'envoie pas de signaux d'alerte parce que je suis "au bon endroit" est un bonus.
Je regarde le carrefour et je vois arriver ma cible, ce qui me pousse à accélerer pour terminer ma gaufre, je n'ai plus beaucoup de temps. La scène se joue sous mes yeux, je n'ai pas toujours l'occasion de la voir. Parfois, je suis à l'autre bout de la ville quand elle se déroule, mais là, puisque j'y suis, ma fascination morbide me pousse à regarder. Faut dire que c'est assez spectaculaire. La seconde d'avant, Christopher MacDougall, ministre des affaires étrangères, traverse la rue en oubliant de regarder à droite et à gauche et la seconde d'après, il se fait percuter par un semi-remorque.
Le vol plané qu'il fait est réellement impressionnant. ce n'est que lorsque son corps touche de nouveau le sol que mon Interface Portable vibre de façon menaçante. Ce qui signifie 1) que MacDougall est encore en vie quand il est projeté en l'air 2) que je ne vais pas tarder à reboucler. J'attrape mon assiette et je la lèche sans aucune considération pour les bonnes manières, afin de profiter à fond de leur incroyable nappage (de toute façon, la foule est bien trop occupée à être horrifiée par l'accident qui vient de se produire).
Puis je boucle. Le temps s'arrête autour de moi, puis il se comprime violemment et quand il se dilate de nouveau, je suis une semaine plus tôt.

"C'est reparti pour un tour !" dis-je, enjouée.
Enfin, un peu moins enjouée que d'habitude. C'est ma 73ème boucle. Je ne sais pas par quel miracle j'ai pu passer entre les mailles du filet des systèmes de l'Agence, mais je pense qu'on va finir par se rendre compte de quelque chose. Nos instructeurices ont été très clair-e-s là-dessus. Un-e agent-e temporel-le ne rentre pas avant d'avoir accompli sa mission.
Mais c'est aussi pour ça que je me la coule douce depuis plus d'un an maintenant. L'énorme coup de bol que j'ai eu ! M'envoyer une semaine entière avant l'événement que je dois empêcher ! Normalement, l'Agence réserve ce genre de délais de préparation aux missions de difficulté bien supérieure. Une erreur de programmation, sans doute. Car pour mettre fin à la boucle, accomplir ma mission, il me suffit d'empêcher un type de traverser au mauvais moment. On a vu plus compliqué, j'aurais pu m'en acquitter si on ne m'avait donné que 30 secondes de préparation. Alors une semaine... Tout ce temps libre, je n'ai pas pu résister. Et quand j'ai laissé passer la mission en oubliant tout bêtement de sauver le ministre au moment prévu et qu'il ne s'en est suivi aucune sanction, juste une boucle temporelle... Qui m'a renvoyée encore une fois une semaine avant... Et bien oui, j'ai sauté sur l'occasion. Ça fait 20 mois que je m'offre une semaine de congés. J'ai anéanti ma to-watch list ! J'ai enfin appris l'italien ! J'ai dormi comme j'ai jamais dormi, bordel de merde ! Avoir tout le temps devant soi car le temps n'existe pas, c'est extrêmement enivrant. Je n'ai pas vu ces boucles passer.

Mais là, je commence à me méfier. Le fait que ça ait été mentionné où non dans notre formation à l'Agence m'échappe, mais... Il doit bien y avoir des mesures au cas où un-e agent-e n'accomplisse pas sa mission au bout de tant d'essais, non ? Ça fait tellement longtemps que je suis sorti de ma formation, je ne me rappelle plus...
Le principe sur lequel reposent les boucles est un peu flou. Si l'Agence n'est informée que du succès de la mission parce que la Chronologie est modifiée, ça veut dire qu'aucune mission ne s'arrête tant qu'elle n'est pas couronnée de succès. Je bouge un peu dans mon lit, je m'asseois. Mais dans ce cas, quid des agent-e-s dans l'extrême inverse de ma situation ? Face à une mission impossible à réaliser, avec une durée de boucle beaucoup trop courte ? Iels seraient coincé-e-s à tout jamais... C'est presque trop horrible pour que j'y pense.
...Peut-être qu'il y a déjà eu des agent-e-s qui ont fait encore plus de boucles que moi. Mais pas pour prendre des vacances, non. Parce qu'elles n'y arrivaient pas. Parce qu'ils étaient mis face à un problème insoluble et qu'elles y ont passé des années, peut-être des dizaines d'années à essayer, à échouer, jusqu'à enfin, par un coup de chance inexplicable, ils ont pu gagner le droit de rentrer. À quoi ressembleraient ces agent-e-s ? En ai-je déjà croisé sans le savoir ? Ont-elles quitté l'Agence, ne voulant plus jamais revivre un tel cauchemar ?
Ces pensées me hantent toute la semaine. Elles mettent définitivement fin à mes vacances. Il m'est désormais impossible d'ignorer cet aspect des missions de l'Agence.

Ce vendredi, au croisement de la rue Hébert et de la rue Jean Placé, au feu, j'arrête Christopher MacDougall pour lui demander l'heure. Il me la donne gracieusement pendant qu'un semi-remorque passe un peu trop vite derrière lui, ce qui le fait sursauter. Quand il reprend ses esprits, j'ai déjà disparu.
Je suis de retour à l'Agence. Avec beaucoup de questions dont j'ai un besoin vital de réponses.
Je ne sais si l'Agence est prête à me les donner.

Date : 12/04/2025

Exercice : Thème double. Écrire un texte sur les thèmes suivants : les derniers instants avant un grand voyage + une aquarelle apportée par l'un des participant-e-s.

Mes baskets laissent des traces dans le sable humide. C'est ce que j'aime le plus quand je marche sur la plage. Après, la marée va monter et l'eau passera sur mes traces de pas et les effacera. On ne verra plus que je serais passé par là. Mais moi je m'en souviendrai. Et c'est ça le plus important, au fond. Et c'est un peu pareil pour ces vacances, au fond aussi. On va bientôt repartir, papa et maman finissent de mettre les sacs dans la voiture. maman m'a dit que la maison dans laquelle on a habité cette semaine est une maison de location, ça veut dire que personne n'habite dedans. Il n'y a que des gens qui y habitent pour les vacances, comme nous. J'ai trouvé que ça se voyait, en arrivant. La maison était meublée et tout, avec pleins de trucs sur les étagères mais quand même. Ça donnait pas trop l'impression que des gens vivent là. Je pense que toutes les traces du passages des gens en vacances sont effacées quand iels partent, c'est ça qui donne cette impression. Et donc nos traces à nous, papa, maman et moi vont ^etre effacées aussi. Comme mes pas sur la plage.

Je regarde encore une fois la plage toute entière. Elle est super grande, j'adore ce paysage. je regarde le bateau bleu qui est posé sur le sable. C'était un super endroit, j'ai bien rigolé avec pendant les vacances. Au loin on voit les falaises. Elles sont super grandes. heureusement qu'on ne s'en est pas approché, ça doit faire super peur d'être au bord. Papa dit qu'on n'a pas le droit à cause de l'érosion. Ça veut dire que des morceaux de la falaise se cassent et tombent dans la mer. Ça aussi ça fait peur. Il y a même des villages qui risquent de tomber dans la mer à force ! Ça craint ! Nous on rentre chez nous, loin de ces soucis, mais j'ai de la peine pour les villageois et villageoises. Qu'est-ce qu'il va leur arriver si leur maison tombe dans la mer ?

Je pars de l'autre côté, avec les falaises derrière moi. Là je ne vois plus que la mer. J'adore regarder la mer. Ça me relaxe, je crois que c'est comme ça qu'on dit. En tout cas j'aime beaucoup, je pourrais faire ça pendant des heures. Mais le mieux, c'est la nuit. Pendant les vacances, à un moment, je me suis réveillé pendant la nuit et depuis ma fenêtre, j'ai vu la mer et la lune que reflétait sa lumière dedans. C'était si beau. Quand j'y repense, ça me fait tout drôle.

J'arrête d'y penser pour ramasser un coquille que je trouve joli mais je me sens encore tout drôle. J'entends maman et papa qui s'affairent et le coffre qui se ferme. On va bientôt partir. C'est trop bizarre : c'est comme si j'étais là, sur la plage, avec le vent qui souffle et le bruit des vagues, et en même temps je suis pas là. Je suis dans la voiture, sur la route pour rentrer à la maison. Mais je ne suis pas encore à la maison, le voyage est trop long. Heureusement, j'ai ma Maïa qui est remplie d'histoires. J'adore les histoires, mais j'ai pas envie de les écouter. Enfin, si, mais j'ai aussi envie de rester sur la plage. Mais j'ai aussi envie d'être à la maison. Je m'asseois sur le sable. Je regarde la mer, la plage, encore. Mais cette fois je regarde vraiment. Je me concentre. Je veux bien me rappeler plus tard à quoi tout ça ressemblait ! Et comme le vent me secoue les cheveux. Et l'odeur de la mer. Et le sable dans mes mains.

Papa arrive à côté de moi.
"T'es prêt, mon bonhomme ? On va partir."
Je mets le coquillage dans la poche de ma veste et je me lève.
"Oui."

Date : 29/03/2025

Exercice : Thème. Écrire un texte sur le thème suivant : miroir.

La place du village était en effervescence. C'était le jour de la grande foire, un jour de liesse, de rires, où l'on oubliait tous ses soucis, le temps d'une visite. La place s'était remplie de tentes colorées, d'étals regorgeant de denrées toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Les marchand-e-s rivalisaient de cris et de gestes pour vanter les qualités de leurs produits et attirer les badauds. Les produits devaient rivaliser avec les attractions : jongleuses, acrobates, dresseuses d'ours, magiciens et autres monstres.

C'est au cœur de tout cela que je me promenais avec Jean. Ilétait particulièrement de bonne humeur, car il avait trouvé l'outil qu'il cherchait auprès du maréchal-ferrand itinérant qui avait ses habitudes avec la foire. C'est pourquoi il avait accepté de m'accompagner du côté plus divertissant de la foire.
"La belle affaire !" lança-t-il en voyant le magicien effectuer quelque tour qui déclencha éclats de rire et d'émerveillement chez un groupe d'enfants. "De la magie ! Mais bien sûr !"
J'étais un peu contrit. Ces tours m'émerveillaient aussi, mais le dédain de Jean m'empêchait de lui montrer.
Je cherchais quoi faire qui puisse l'intéresser. Mais il ne semblait s'intéresser aux forains que pour s'en moquer.
"Je ne comprends pas l'amusement que tu y trouves, Sylvain" me lança-t-il. "Tout ça c'est bon pour les simples d'esprit !
- Votre ami possède certainement plus d'ouverture d'esprit que vous, jeune homme."
Avant même que je n'ai pu réagir à la pique de Jean, un homme (ou était-ce une femme ? Difficile à dire), vêtu d'une grande cape qui couvrait tout son corps et d'un immense chapeau pointu qui lui recouvrait sa tête, l'avait interpellé. On ne voyait que ses yeux qui lançaient à mon ami une lumière de défi.
Jean, piqué au vif par la remarque, invectiva la figure encapée.
"Qu'insinuez-vous par là ? Que je suis stupide ?
- Pas du tout. Mais vous devriez montrer un peu plus d'égard envers les attractions de la foire.
- Ah oui ? Et pourquoi cela ?
- Votre ami semble plus attiré que vous par ce que mes semblables et moi-même proposons. Ne voyez-vous pas que vous le mettez dans l'embarras ?"
Je lançai un regard interloqué à la figure. De quoi se mêlait-elle ? Jean se tourna vers moi, narquois.
"Ha ! Sylvain a beau admirer vos foraineries, il n'en pense pas moins ! Pas vrai, mon ami ?"
Je détournais le regard et ne répondis rien. Avant que Jean n'ai pu réagir à mon esquive, la figure s'adressa de nouveau à lui.
"Pourquoi ne pas essayer une des attractions, pour vous faire votre propre avis ? Je propose justement un expérience qui, j'en suis sûr, vous fera changer d'avis sur ce que nous proposons.
- Ah oui ? Ma foi, j'aimerais bien voir ça ! J'accepte, mais sachez que si je ne suis pas convaincu, vous ne recevrez pas le moindre sou !"
La figure ouvrit un pan de la tente devant laquelle elle se trouvait.
"J'accepte ces termes, monsieur. Je vous en prie."
Jean entra dans la tente, toujours en raillant la figure et maintenant, sa tente. Ses paroles furent bientôt étouffées par l'épais tissu.

Je me retrouvai seul. Les villageois-es continuaient de s'affairer autour de moi. Le cracheur de feu, à quelques mètres, se donnait en spectacle. J'eus soudain la sensation d'être seul, très seul. Perdu au milieu de la foule, sans Jean, qui était toujours sous la tente. Je ne savais pas ce qu'il était en train de vivre et ça m'inquiétait. Cette me semblait étrange, infondée, mais bien réelle. Que devais-je faire ?
Avant que je ne puisse y répondre, l'entrée de la tente s'ouvrit. Mon visage s'illumina en reconnaissant Jean, mais mon sourire s'éclipsa bien vite quand je vis son propre visage. Il était livide. Le regard perdu. Il ne semblait pas m'avoir vu.

Temps écoulé, texte incomplet

⁂⁂⁂

Exercice : Thème. Écrire un texte sur le thème du sentiment d'être vivant ou le fait de se sentir vivre. Le personnage principal doit ressentir cela à un moment.

L'obscurité est totale.

Elle est tellement totale que j'en viens à me demander si la lumière a jamais brillé dans cet endroit. C'est bien possible. C'est la geôle la plus sinistre que j'ai jamais connue. Non pas que je sois habitué aux cachots où quoi que ce soit... C'est juste que cet endroit est vraiment, vraiment sinistre.

La pièce est toute petite. Je peux à peine y tenir debout. Il me suffit de rouler sur moi-même pour passer d'un mur latéral à un autre. Une vraie boîte à chaussures ! C'est à croire qu'il fallait impérativement faire des économies quand on a construit cette prison. Est-ce une façon de traiter quelqu'un ? Je sais que mes geôlier-e-s me répliqueront que je ne suis pas quelqu'un. C'est classique, dénigrer pour justifier l'emprisonnement. Je ne leur en voudrais même pas pour ce manque de considération.
Par contre, je leur en veux terriblement de m'avoir enchaîné. Des chaînes ! Vous vous rendez compte ? Non seulement je suis comprimé, à l'étroit dans cette cellule mais de plus, on se permet l'outrage de me restreindre, de m'attacher ! Quand j'y pense, ça me fout en rogne. Enfin, disons que ça me foutait en rogne, au début. Mais au fil du temps, tous les sentiments s'émoussent dans une telle captivité. je bouge dans mon sommeil, le bruit des chaînes résonne dans ma prison et c'est à peine si une pointe d'agacement monte en moi. Puis je me rendors.

Je dors beaucoup, dans cette prison. Qu'y a-t-il d'autre à faire ? Je ne peux ni bouger, ni voir, ni contacter le monde extérieur. C'est certainement ce que voulaient mes geôlier-e-s. Je me souviens un peu d'elleux. Mais c'est flou. Tout ça était il y a si longtemps...
J'avais des allié-e-s, aussi, avant d'être enfermé. Des personnes qui m'étaient entièrement dévouées, corps et âme ! J'étais très lié à elleux, quoi que l'on en dise. Malheureusement, ielles l'ont payé, très cher. Je m'en suis sorti avec l'enfermement, mais les mien-ne-s ont été massacré-e-s jusqu'à la dernière. Mes ennemis ne voyaient pas les choses autrement.

Je me suis donc retrouvé seul et enfermé. Avec très peu d'espoir de m'échapper. Mes ennemis comptent bien à ce que je croupisse en prison pour toujours. et sans aide extérieure, je ne peux rien faire. Mais qui pourrait m'aider, si mon groupe a été anéanti ? C'est pour cela que je rêve que l'on ne m'ait pas oublié. C'est tout ce qui me maintient en vie. Tant qu'on pense à moi, là, au-dehors, je n'aurais pas vraiment disparu... C'est tout ce que j'espère. Peut-être qu'un-e de mes allié-e-s à réchappé au massacre et que mon nom a perduré dans des histoires, des murmures, des livres. Peut-être que de nouvelles personnes ont formé un nouveau groupe et qu'elles prononcent mon nom entre elles, solennellement, secrètement, quand elles sont sûres qu'il ne tombera pas dans les oreilles ennemies. Qu'elles rêvent aussi à ma libération prochaine.
C'est un beau rêve. Mais il reste un rêve.

la seule chose réelle autour de moi, ce sont les ténèbres.
Cette pensée m'habite. C'est la seule chose qui me reste à l'esprit pendant un temps incalculable. Presque une éternité.
Et puis, finalement...
Un son parvient à mes oreilles. Ce n'est presque rien, un murmure. Au début. Je ne le remarque même pas, de premier abord. Une vibration, à peine, mais qui ne s'arrête pas. Et qui monte en puissance. Cela finit par capter mon attention, m'amener à un demi-sommeil au lieu d'une léthargie complète. Une distraction, enfin ! Mais lorsque j'y prête un peu plus d'attention, je me réveille complètement. Impossible de m'y tromper. Ce bruit, incessant, faible mais persistant, c'est mon nom.

Au-dehors, par-delà ma prison, on chante mon nom. On m'appelle. Je n'arrive pas à y croire. On ne m'a pas oublié ! Mes ancien-ne-s allié-e-s ont réussi ! Mon nom a traversé les âges ! L'excitation monte en moi. Je sens que quelque chose se prépare.
L'appel gagne en volume petit à petit. L'entendre me redonne des forces. Quelle joie de se savoir remémoré ! Mieux, de savoir que l'on désire son retour ! Car c'est bien cela que je distingue dans le chant : un cri pour me faire sortir, me libérer. Mes geôlier-e-s ont dû devenir paresseuxses ou complaisant-e-s avec le temps, car je n'entends aucune protestation de leur part. Rien pour calmer l'appel, étouffer le chant. J'en tire encore plus de force.

La geôle me semble de plus en plus petite. Mais pas comme une boîte à chaussures, plutôt comme une bouteille de soda sous pression, trop petite pour retenir ce qu'elle contient. Mes chaînes aussi me semblent diminuées, fragiles. Je grandis et bientôt, tout cela ne pourra plus me retenir. Le chant se poursuit. Il monte, il monte, il monte. Je suis galvanisé. Je sens qu'il va atteindre son point d'orgue. Ça va être mon moment. J'enfle, je grossis. Je suis trop pour cette misérable prison. Elle ne peut plus me retenir. Le dehors m'attend.

Je jaillis des ténèbres dans le monde avec un rugissement qui fait trembler les âmes.

Iels sont là ! Mes nouveaux/nouvelles allié-e-s ! Mes fanatiques ! Je ne reconnais personne, mais je reconnais les tenues, leurs symboles, les glyphes. Le savoir s'est transmis, sur des générations et des générations. Comme je suis fier d'elleux ! Elleux aussi sont fièr-e-s, je le vois sur leurs visages extatiques.
Le grand prêtre est à genoux devant moi. Sa dévotion me remplit. Pour le remercier de sa foi et de ce qu'il a accompli, je lui offre sa récompense immédiatement : sa mort donnée par son dieu.
Mes fidèles hurlent de joie. Il ne me faut pas longtemps pour que je commence à leur donner leur récompense aussi. Leur sang abreuve les dalles de pierre du temple.
Dans la foule, je repère des visages terrorisés. Mes ennemi-e-s, qui ont cru qu'en infiltrant mon culte, iels pourraient empêcher mon retour. Ha ! Quelle naïveté ! Elleux, je ne les tue pas, je leur offre plutôt un tourment sans fin.
Les morts de mes fidèles me remplissent elles aussi, je continue de grandire. Mon temple devient rapidement trop petit pour moi : j'explose à l'air libre. Ha ! Toutes ces vies ! Toutes ces existences qui n'attendent que moi pour y mettre fin ! Tu m'avais manqué, le monde, enfermé comme j'étais au-delà de l'espace et du temps ! Il est temps maintenant de t'offrir ce dont on t'a privé.
D'un rugissement, je déclenche des tempêtes. D'un mouvement, des tremblements de terre. Les cris de terreur retentissent, douce musique à mes milliers d'oreilles.
Je sème la mort et la destruction. Je mets à bas les créations humaines. Je siphonne la vie, aspire la lumière, exhale les ténèbres.
Quelle joie ! Quelle extase ! C'est pour ça que j'existe, pour ça que je suis ici ! C'est mon but, mon être, mon tout !
Jamais je ne me suis senti aussi vivant !

Date : 8/03/2025

Exercice : raconter un même événement de plusieurs points de vue.

J'arrive avec trois minutes d'avance. D'habitude, je préfère être un peu plus large, mais j'ai mis tellement de temps à me préparer que je me suis mise en retard. Enfin, pas en retard, juste moins en avance que j'aime l'être... Bref. Je suis au point de rendez-vous, la statue de la place du tribunal. Il fait beau, l'après-midi s'annonce excellente. Surtout que je vais la passer avec lui ! Édouard. Un mec que j'ai rencontré en soirée. On a tout de suite accroché et on n'a pas attendu pour se recontacter et prendre rendez-vous ! Et maintenant, c'est là. Il ne devrait pas tarder à arriver, vu qu'il est pile trois heures. Bon, s'il a un peu de retard, c'est pas grave. Peut-être qu'il aime se faire désirer ? C'est plutôt mignon... S'il arrive.
Il n'est toujours pas là. Le quart d'heure de retard est dépassé. Je suis donc légitime à lui écrire un message (sous forme de blague, évidemment, je ne veux pas passer pour une reloue). Une pensée me traverse l'esprit : j'espère qu'il ne lui est rien arrivé ? Je ne le saurai pas car il ne me répond pas. Le message n'est même pas en "vu". Il n'a pas son téléphone avec lui ? Pas le choix, je l'appelle. La sonnerie devrait le faire réagir. Sauf que non : répondeur. C'est pas vrai... Ça fait une demi-heure que j'attends au pied de cette foutue statue ! Je commence à me sentir conne... C'était bien la bonne heure au moins ? Le bon jour ? Bordel, je ne suis plus sûre de rien. Cet abruti, si je le retrouve, il va m'entendre. En attendant, je marche sur place, sans savoir si je devrais rester ou partir, merde, merde, qu'est-ce que je suis censée faire...
"Heu... Excusez-moi ?..."

~~~

"Un diabolo menthe s'il vous plaît."
Le serveur prend ma commande et se retire. Je prends mon sac et en sors mon livre. En cette douce après-midi de pas encore printemps, je suis venue m'adonner à un plaisir que je ne m'offre que trop rarement : lire en extérieur. J'aime faire ça. Je trouve que ça donne une saveur toute particulière à la lecture. Même, si je me pose dans un endroit peu fréquenté, ça me permet de suivre plusieurs histoires à la fois ! Aujourd'hui, je me suis posée à la terrasse d'une café place du tribunal. C'est un endroit assez ensoleillé, qui m'empêche d'avoir trop froid durant ma lecture et aussi avec un peu de monde. L'endroit idéal pour y suivre plusieurs histoires, comme je le disais. Tout d'abord, celle de mon roman (le dernier Margaux D. Plaidoire, un régal) et celles des gens autour de moi ensuite. J'adore les observer du coin de l'œil pendant que je lis, les écouter d'une oreille distraite. Là, mon regard est attiré par une femme qui vient de se planter devant la statue au centre de la place. Elle est radieuse, toute pimpante. Impossible de la rater ! Ni de décrocher mon regard... Enfin, mon livre aussi est intéressant. Il n'empêche que j'en détourne régulièrement mon regard pour le poser sur la femme qui attend au pied de la statue. Ça fait un petit moment qu'elle attend, d'ailleurs. Je la vois sortir son téléphone, l'air un peu contrit. Quelqu'un aurait osé lui poser un lapin ? Sûrement un sale fuckboy croisé en soirée trois jours plus tôt. La pauvre. J'essaie de me distraire de ses déboires par ma lecture, mais je n'y arrive pas. Elle est toujours là à attendre, ça doit bien faire vingt minutes ! Elle s'est vraiment faite mener en bateau ! Quelle honte. Elle vaut mieux que ça. Je suis indignée. Tellement indignée que j'en oserais presque... Oh et puis zut. J'ose. Je me lève de ma table, je m'approche d'elle...
"Heu... Excusez-moi ?...
- Oui ?
- Je vous vois attendre sur la place depuis un moment, toute seule... Vous ne voulez pas me rejoindre à ma table ? Quitte à attendre, vous seriez mieux avec une boisson."

~~~

J'évite les passants dans la rue piétonne de peu. Ouais c'est pas terrible, je m'excuse du mieux que je peux, mais je suis pressé et passer par là en vélo c'est le plus rapide !
C'est la faute de cet abruti de Théo si je suis aussi pressé. Quelle idée de me proposer une game quand je lui ai dit que j'ai un rendez-vous avec une meuf dans l'après-midi ! Il sait qu'on va les enchaîner après la première ! Heureusement qu'il a fait vraiment de la merde à la dernière, ça m'a donné un prétexte pour partir.
Putain, en plus j'ai vraiment pas envie de la fâcher cette meuf, elle a l'air cool ! Ça avait bien accroché à la soirée !
Malgré les mains sur mon guidon, je prends mon téléphone, je vois ses messages et un appel en absence. Là, c'est vraiment la merde. Faut que je trouve une excuse en béton. Probablement que je paie tout cet aprèm...
J'arrive enfin place du tribunal. Je reprends mon souffle, tente d'avoir l'air frais, mais pas trop, faut que je montre que j'ai fait au plus vite. Je cherche la fille sur la place, elle n'est pas à la statue comme prévu. Elle est partie ? Je scanne la place. Non, elle est attablée à une terrasse ! Je m'y dirige.
Attends... Elle est avec une autre meuf ? Et elles... Se tiennent la main ? Je suis grave plus en retard que ce que j'imaginais.

⁂⁂⁂

Exercice : Écriture épistolaire. Écrire une ou plusieurs lettres qui se répondent.

"Mon cher Terrence,

Aujourd'hui, c'est le grand jour ! C'est le début de ma mission ! Dans quelques heures j'embarquerai à bord de notre vaisseau d'exploration, direction l'espace, l'inconnu, la découverte ! Je suis tellement impatient, je n'arrive pas à me calmer, écrire ce message est pour moi une soupape. Ça fait tellement longtemps que j'attends de pouvoir participer à ce grand projet d'exploration spatiale. C'est ma contribution à l'humanité ! Une chance de la sauver ! Je sais que tu ne partages pas mon enthousiasme pour l'exploration spatiale, mais j'espère que tu seras un petit peu content pour moi, tout de même. Tu sais à quel point ça compte pour moi.
On pourra continuer à s'écrire, toi et moi. Le système de transmission de messages instantané intersidéral est au point, m'assurent les responsables de la communication. Tu pourras me raconter comment ça se passe sur Terre pendant que je nous chercherai un nouvel habitat.
Comment s'est passée ta dernière... Sortie, d'ailleurs ? Si tu peux me donner des détails.
On se récrit bientôt,

ton frère qui t'aime."

"Esteban,

Ma dernière "sortie", comme tu dis, s'est soldée d'une manière désastreuse. Je suis sûr que tu as dû voir ça aux infos. J'imagine que même coupé-e-s de la réalité comme vous l'êtes dans ton équipe, vous devez toujours y avoir accès.
Je t'en parlerais bien plus précisément mais tu dois me prouver d'abord que votre système de communication est crypté. Oui je suis content pour toi. Je pense toujours que cette mission est d'une stupidité abyssale, mais je suis content pour toi. Ça doit être mon instinct de grand frère. Je me console en me disant que vous ferez au moins progresser notre connaissance de l'univers avec votre mission. Même si vous en ferez une place un peu moins libre, un peu plus victime de la colonisation.
Si les extraterrestres existent, j'espère que c'est un truc qu'iels n'auront pas inventé, elleux.
Bonne chance quand même,

ton frérot."

"Terrence, mon frérot,

Les gens de la communication m'assurent que les messages que l'on s'envoie sont 100% privés. Ils et elles ont pensé à l'intimité dont nous avons besoin, surtout aussi loin de la Terre !
Le voyage a très bien commencé, exactement comme prévu. Tout le monde fait preuve d'un enthousiasme qui fait plaisir à voir. Nous devrions atteindre notre premier objectif d'ici sept semaines.
Je te raconterai tout ça.
À bientôt,

le petit frère."

"Mon grand Esteban,

Nos expert-e-s en cybersécurité m'assurent que tu dis vrai. Je dois reconnaître que c'est réglo de la part de votre état-major de vous laisser avoir des conversations privées avec la Terre...
J'imagine que c'est pour votre moral. Peut-être qu'iels n'ont pas envisagé qu'un-e de leurs membres ait un frère dans la Résistance Terrienne. Tant mieux.
En parlant de RT, comme je disais, ça va pas fort. Tu apprendras que le lancement de votre mission a apparemment donné aux politiques une raison de ne rien changer : la planète est foutue de toute façon, la survie de notre espèce se trouve dans les étoiles donc pourquoi se priver d'user la Terre jusqu'au trognon ? Évidemment, pour nous, ça ne passe pas. Le gouvernement cherche par tous les moyens de dissoudre notre mouvement, mais c'est pas ça qui nous empêchera d'exister.
Prenez soin de vous, là-haut dans les étoiles. Vous, vous n'avez plus que les un-e-s les autres sur qui compter. Nous, même si on vit sur un monde à l'agonie, nous avons toute l'humanité.
Voilà que je fais le poète. Ça doit être la distance. Tu me manques, petit con.

Terrence, ton frère."

"Mon Terrence,

Désolé d'avoir tardé à t'écrire, mais tout s'enchaîne tellement rapidement ici !
Nous sommes rentrés dans l'atmosphère de notre première planète-objectuf il y a trois semaines. Malheureusement, nous n'avons toujours pas pu réellement en profiter. Même si de la Terre nous avions pu détecter que cette exoplanète reproduit très bien les conditions de notre planète à nous... Malheureusement, son atmosphère est saturée d'un dangereux pathogène. Il nous faut absolument développer un remède ou un vaccin avant de pouvoir nous y déplacer librement. Les sorties en combinaison intégrale, ce n'est pas pareil... Personne ne veut envisager la vie sur une planète, aussi belle soit-elle, sous des dômes d'habitation non plus. Sinon nous serions allés sur Mars, c'était moins loin !
Ce premier échec met un peu tout le monde à cran. Nous allons bientôt partir pour notre deuxième objectif et le faire sans avoir validé le premier me laisse un goût amer dans la bouche.
Heureusement que tu es là.
Je t'embrasse,

Esteban, le jeune."

"Salut le jeune,
Désolé d'apprendre que votre première planète soit contaminée. Les virus, ici, ça nous connaît depuis le permafrost. C'est pas marrant du tout.
Contrairement à toi, j'ai de bonnes nouvelles. La pression sur les gouvernements européens a fini par payer : iels ont cédé ! Enfin ce continent va ressembler un peu plus à quelque chose, peut-être même reverdir. Osons rêver. Osons rêver que cela serve d'exemple au reste du monde !
Fais coucou aux extraterrestres de ma part.

Terrence le terrien."

"Cher Terrence,

Ta blague qui conclut ta dernière lettre a été moins drôle que tu ne pouvais l'imaginer. À peine avons nous posé le pied sur notre deuxième objectif que nous avons établi le premier contact.
Oui, nous avons rencontré des "extraterrestres". Nous nous y attendions un peu, vu que nous explorons des exoplanètes de type Terre, mais ça nous a fait un choc, une émotion.
On est plus proche des animaux que des petits hommes verts. Mais ils ont apporté une tragédie : les premiers morts dans notre mission. Ces êtres ont le malheur d'émettre des ondes mentales léthales pour les humains. Ils ne le font même pas exprès. Impossible de cohabiter avec.
La première cérémonie funéraire de l'espace a jeté une chape de plomb sur la mission. Nous partons vers notre troisième objectif le cœur lourd.
Je pense beaucoup à toi. Prend soin de toi.

Esteban."

"Bonjour Esteban,

Je suis désolé pour tes camarades. Les voir mourir a dû être horrible.
Sur Terre, les choses s'améliorent encore et j'adore ça. Après l'Europe, plein d'autres pays se sont alignés sur notre politique écologique de préservation d'urgence. Ça me fait tellement plaisir, putain, je sais pas si ça va suffire à sauver la Terre, à nous sauver, mais au moins on mourra la tête haute.
Désolé, j'espère que c'était pas trop morbide. Accroche-toi frérot, moi aussi je pense à toi.

Terrence."

"Mon frère,

Pardonne-moi d'avoir mis tant de temps à t'écrire. Mais les tragédies s'enchaînent pour la mission. Les objectifs trois et quatre se sont révélés aussi infructueux que les précédents. Voire plus mortels. Nous avons perdus d'excellents éléments. Ça me fait douter de notre capacité à réussir la mission.
Malgré tout nous sommes en route pour l'objectif cinq.
Je t'aime, Terrence, j'espère que tu le sais, même si je suis loin.

Esteban."

"Mon Esteban,

Je suis vraiment, vraiment désolé pour toi et les tiens. Vous ne devriez pas avoir à subir tout ça.
D'autant plus que, et j'espère que tu en tireras de la joie, la Terre est en réminiscence. Nos efforts ont payé : elle redevient vivable !
Je n'aurais jamais cru voir ça de mon vivant.
Si seulement tu pouvais rentrer. Ta mission a encore moins d'importance maintenant.
Prend soin de toi, Esteban. Promet-le moi.

Ton frère."

"Terrence,

Je suis si heureux de ta dernière lettre. La Terre, de nouveau vivable... Je n'ose y croire. Mais j'ai besoin de m'y accrocher.
Notre vaisseau n'atteindra jamais l'objectif six. Une partie de l'équipage s'est insurgé. Il y a eu des morts, de nos mains, cette fois. Je ne sais pa soù nous allons, mais nous ne trouverons jamais de nouvelle Terre.
Je suis désolé, Terrence. Nous vous avons trahis. Je vous ai trahis. Adieu mon frère. Je t'aimais, sois-en sûr.

Esteban."

"Esteban, tu n'es pas obligé. Tu peux encore rentrer. Votre vaisseau a les moyens pour, je le sais. Viens, rentre, je t'en supplie, la Terre est redevenue la planète bleue, tu n'as pas à te perdre dans l'espace. Rassemble tes camarades vivant-e-s et rentrez. Vous pouvez le faire. Je t'en supplie.
Rentre à la maison."

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Date : 8/02/2025

Exercice : Thème et contrainte de format. Écrire un texte parlant de jumeaux sous la forme d'une biographie.

Émile et Joseph Zardouicq naquirent un beau matin du 6 septembre 1979. Leur première victime fut leur mère, qui décéda des suites de complications lors de l'accouchement. Le docteur Moultazef, qui aida à les mettre au monde, racontera après qu'il n'avait jamais vu des bébés fixer leur mère ainsi dès la sortie. Il prit sa retraite anticipée peu de temps après la naissance des jumeaux.

Émile et Joseph se révélèrent des bébés surprennament très faciles à vivre. Ils pleuraient très peu, ne se plaignaient jamais, ce qui arrangeait beaucoup leur entourage. Leur père, directeur de la célèbre usine de conditionnement de charcuterie Pleury-Bichon, n'avait que peu de temps à leur consacrer. Ils étaient laissés aux bons soins de nourrices, qui se succédèrent au fil des ans. La plupart d'entre elles périrent dans une série d'accidents domestiques particulièrement malchanceux. On pense notamment au décès d'Isabelle Le Plouguec, qui se noya dans l'étang de la propriété familiale, qui ne faisait que 30 centimètres de fond. Cette série d'accidents n'empêcha pas les jumeaux d'avoir constamment quelqu'un pour les élever, car malgré la réputation que ce travail avait acquis, la paie attirait toujours.

En grandissant, les jumeaux gardèrent le calme et la placidité qui les caractérisaient. Ils passaient le plus clair de leur temps à observer le monde qui les entourait et surtout, les personnes qui le peuplaient. Chez certains individus, l'intensité du regard d'Émile ou de Joseph, souvent les deux, avait le don de les mettre mal à l'aise. Ceux qui émettaient une remarque en ce sens ne revenaient jamais à la propriété des Zardouicq. Ni nulle part ailleurs, ces derniers grossissant les rangs des morts inexpliquées dans la périphérie d'Émile et Joseph.

Malgré les protestations d'une partie de la population locale, les jumeaux furent envoyés à l'école publique une fois qu'ils eurent atteint l'âge. Contrairement à ce que l'on pouvait attendre, ils s'ouvrirent aux autres dans cet environnement. Émile et Joseph se révélèrent être la coqueluche de leurs classes respectives (l'établissement avait réussi à les mettre dans des classes différentes). Ils étaient tout le temps entourés de leurs camarades de classe, toujours à chercher l'attention du jumeau, son approbation. L'emprise qu'ils avaient sur les autres enfants ne semblait pas affecter le lien qui les unissait. Leur complicité en dehors de la classe grandissait, ils passaient le plus clair de leur temps ensemble, à discuter de choses qu'ils ne partageaient avec personne d'autre.

L'école était devenu leur terrain de jeu personnel. La fascination des autres enfants se mua en obéissance aveugle. Les jumeaux réussirent à renouveller leur influence sur toustes les nouveaux et nouvelles élèves à chaque année scolaire.
La dernière année d'Émile et Joseph fut marquée par une tragédie. Au fil du temps, chaque jumeau avait réussi à rallier une partie des élèves, créant ainsi deux factions au sein de l'établissement. Le 7 mai 1989, une guerre totale éclata entre ces deux factions. Il n'y eut aucun survivant. Ce conflit reste à ce jour le seul événement ayant eu lieu dans une école primaire enregistré auprès de la Commission Internationale des Conflits Armés (voir à ce sujet l'article Guerre scolaire élémentaire d'Agnieux-sur-Loire). Le lien entre l'éclatement du conflit et les jumeaux n'a jamais pu être avéré, les deux enfants étant absents ce jour-là, pour rendre visite à une tante mourante (qui décéda le lendemain de leur venue).

⁂⁂⁂

Exercice : Phrase de début. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

Son nom était Non et pourtant il lui arrivait de dire oui. Mais seulement quand cela lui chantait, ce qui en faisait un enfant difficile. Au début, il s'appelait Antonin. C'est le nom que sa maman et moi lui avions donné. Ce n'est que lorsqu'il a appris à parler et surtout, une fois qu'il a compris le pouvoir de ces trois lettres, "non", qu'il a acquis tout d'abord le surnom d'Antonon.

Au début, c'était marrant. J'étais même plutôt fier que mon fiston s'affirme en disant non. Sauf que ce nouvel outil est rapidement devenu son jouet favori. Il fallait qu'il s'en serve TOUT. LE. TEMPS. Et pas seulement pour le dire. Mais pour vraiment l'appliquer. À partir de ce moment-là, lui faire mettre son manteau et ses chaussures est devenu une corvée. J'en suis venu à redouter l'heure du bain. Quand aux repas, n'en parlons pas. Ma seule lueur d'espor c'est que ça a facilité l'heure du coucher, puisque Non est trop fatigué d'avoir lutté avec moi toute la journée pour lutter face au dodo. Mais le reste du temps, c'est comme si tout ce que je lui demandais de faire était la chose la plus injuste du monde.
"Antonin, dis bonjour.
- Non.
- Antonin, laisse le chien tranquille.
- Non.
- Antonin...
- Non !"
Je vous jure, c'est é-rein-tant.

Nous avons quand même de la chance : il n'est pas comme ça avec sa mère. À elle, il dit oui. Pas toujours, certes, mais quand même. Face à elle, ce mot réintègre son vocabulaire. Jusqu'à ce que ce soit de nouveau à moi de m'en occuper. Car oui, ce n'est pas parce que mon fils me rend la vie dure que je vais cesser de m'en occuper, faut pas déconner non plus.

Je me demande si ce n'est pas le confinement qui l'affecte. Ma compagne et moi sommes obligé-e-s de télétravailler toustes les deux. Et pour surveiller Antonin, il est souvent dans la même pièce que nous. Actuellement, c'est mon tour de garder un œil sur lui. C'est compliqué parce que j'ai une visio avec mon supérieur, mais je fais de mon mieux.
"Oui Daniel, je peux rédiger le rapport de la réunion... Pour demain ? Oui, oui, t'inquiète..."
En attendant, c'est Non, jeu, Antonin qui m'inquiète. Là, il est dans son parc et il a arrêté de jouer avec ses cubes. Pourtant, il semble terriblement concentré.
"Comment ? Organiser le recrutement du poste laissé vacant par Louise ? Oui, oui... Je peux m'en occuper, mais... Oui... Oui, ok, c'est bon, je le ferai."
Putain, j'ai absolument pas le temps de m'occuper de recruter mon ou ma future collègue. Mais si Daniel me le demande, c'est qu'il ne le fera jamais. J'ai pas le choix.

De toute façon, je n'ai pas le temps d'y penser : je regarde Antonin qui ne bouge toujours pa. Merde, j'espère qu'il n'est pas malade. Faut que j'abrège, mais Daniel ne veut pas me lâcher.
"Écoute Daniel, je... Oui... Oui je sais !"
Toujours pas de mouvement du côté d'Antonin.
Heureusement, ça bouge dans la visio.
"Oui, oui, pas de souci ! Ça marche, à demain !"
Je coupe l'appel, quitte mon casque et me précipite pour voir mon fils. Il ne bouge toujours pas, il a la mine grave. Est-ce qu'il s'est fait mal ? Je vais pour le prendre dans mes bras.
"Non !"
Sa petite voix résonne dans mes oreilles. C'est la première fois qu'il me refuse de l'attraper pour un câlin.
Ça me brise le cœur.
Mais je ne peux pas le laisser comme ça. Je le prends dans mes bras.
"Non !" me fait-il. "Papa, non !"
Ça me fait mal à entendre. Au moins, il n'a pas l'air d'avoir mal nulle part. Pas de fièvre... Il ne se débat pas non plus, ce qui me surprend.
"Alors Antonin ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Non ! Non, non, non, papa ! Non !"
Je m'attendais à ce qu'il s'énerve, crie, pleure et gigote pour que je le repose. mais non. Il me regarde juste du même regard qu'il lançait à ses cubes deux minutes plus tôt. Un regard très sérieux.
"Non !"
Un regard indigné, plein de colère. Mais pas contre moi. Je le comprends.
"Non !"
Antonin pointe mon ordinateur de son doigt, accompagné de son mot favori.
Je commence à comprendre.
"Tu es en colère contre l'ordinateur de papa ?
- Oui !"
Le premier oui qu'il prononce en ma présence depuis trois mois. Depuis le début du confinement, presque. Depuis que ma collègue Louise a démissionné. Depuis que Daniel me surcharge de travail que je ne peux refuser.

Je regarde mon fils. Ça fait trois mois que je ne joue plus avec lui. Je le regarde jouer seul dans son parc tandis que moi je suis devant mon ordi, à écouter les ordres d'un con qui ne se pose pas la question de savoir si le boulot supplémentaire qu'il me demande m'empêchera d'être avec mon fils ce soir. Ni de savoir s'il me sera payé.
"Tu as raison Antonin. L'ordi de papa est méchant. Il doit recevoir une bonne leçon !"
Mon fils rit dans mes bras. J'ai testé des trucs louches dans ma jeunesse, mais aucun produit ne m'a jamais fait un tel effet, bordel de merde.

Le lendemain, je suis de nouveau à mon ordi en visio avec Daniel. Je fais des grimaces à Antonin dans son parc qui rigole.
"Jules, tu vas bien ?" me demande ce con de Daniel. - Oui, je joue avec mon fils, Antonin. Il est dans son parc, juste en face de moi.
- Ah, ton fils, oui. Bon, tu as avancé sur le rapport de la réunion d'hier ?
- Non."
Comme je comprend mon fils. C'est tellement agréable à dire.
- On s'était pourtant mis d'accord hier. C'est ton boulot, Jules.
- Non. J'ai pris mes notes et ça me suffit. Je peux te les passer, mais personne n'a parlé de rapport au début de la réunion et ce n'est pas ma responsabilité si tu n'en prends pas."
J'enchaîne, profitant du fait qu'il est sonné par mon revirement.
- Et tant que j'y suis, je ne m'occuperai pas du recrutement. Ça, c'est clairement TA responsabilité en tant que chef d'équipe. J'ai d'autres trucs à faire.
- Tu sais, Jules, c'est une période compliquée. Tout le monde doit faire des efforts dans la boîte.
- Mais j'en fais. Je remplis toutes mes tâches tout en gardant mon fils en bas âge à la maison. Tu n'as rien à me reprocher.
-Je parlais d'en fournir un peu plus pour la boîte, Jules. C'est normal, en ce moment.
- Non. Il n'y a rien de normal là-dedans. Ce n'est pas parce que toi tu n'as plus rien à faire maintenant qu'on est toustes en télétravail que tu dois être sur notre dos toute la journée.
- Jules. Attention à ce que tu dis.
- Non. Je te le dis, Daniel. Lâche-moi la grappe ou l'inspection du travail découvrira à quelle date post-confinement Louise a été réellement virée, malgré la réglementation qui vient juste d'être mise en place.
- Jules. Tu ne feras pas ça.
- Bonne journée Daniel."
Je termine l'appel et refais une grimace à Antonin.
"Alors Antonin ? Est-ce qu'on aime les petits chefs qui abusent de leur position ?
- Non !"

Date : 25/01/2025

Exercice : Phrase départ. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer lundi matin ?

C'est ce que se demandait Jean-Henri, de retour au bureau après un week-end prolongé. Le fameux week-end qui se termine le mardi, une technique redoutable pour éviter le blues du lundi matin ! Mais l'heure n'était pas à s'autoféliciter pour sa gestion d'emploi du temps. L'heure était plutôt à gérer un sacré bordel.

À peine Jean-Henri avait-il posé un pied sur la douce moquette margris (marron-gris) de l'étage des bureaux qu'il avait senti que quelque chose clochait. La moquette n'était pas douce. La moquette avait fait "sgouich". Une moquette, normalement, ça ne fait pas "sgouich". Mais là, la moquette faisait "sgouich" parce qu'elle était imbibée du sang de Patrick-Lionel, qui gisait face contre terre juste devant la porte de l'ascenseur.
"Ha ha, ben alors Patrick-L, on ne sait plus se servir de son coupe-papier ?"
Jean-Henri enjamba le cadavre et se dirigea comme d'habitude vers la machine à café. Il s'octroyait toujours un petit déca avant de commencer le boulot.
"Tout de même" pensa-t-il. "C'est pas normal que le corps de Patrick-Lionel soit encore là... D'habitude les équipes de nettoyage sont plus efficaces que ça."

Il entra dans la salle de pause et lança à la volée :
"Salut les gars ! Vous savez pourquoi Patrick-L est encore..."
Il s'interrompit, car il n'y avait personne dans la pièce.
Personne de vivant en tout cas. Les murs étaient recouverts de gerbes de sang qui avait commencé à sécher, des cadavres étaient posés sur les chaises de repos (il reconnut Philippe-Marcel, Micheline-Rosa et Daniel-Daniel) et même un se trouvait dans l'évier, en plusieurs morceaux pour pouvoir rentrer dedans.
Mais, pire que tout : la machine à café était tombée par terre et s'était cassée !
"Ah non, merde !" vociféra Jean-Henri. "Pas la machine à café ! Vous le savez pourtant ! En cas de partance en folie meurtrière sur le lieu de travail, la préservation du mobilier commun est mandataire ! C'est pas sport, les gars !"
Personne 'était là pour l'entendre, mais crier, ça soulage.
"La RH était en congé lundi aussi ou quoi ?"
Franchement contrarié, Jean-Henri se mit en route vers son bureau. Tant pis pour le café, il irait en prendre un au bistrot d'en face un peu plus tard. Mais il restait en colère contre ses collègues, qui n'avaient visiblement pas respecté le règlement intérieur de l'entreprise. Aussi n'accorda-t-il aucun regard aux bureaux remplis de corps éventrés, décapités, cloués au mur ou passés à la broyeuse à documents qui il passa devant.

Mais le vrai coup dur fut quand il découvrit l'agent d'entretien, Louis-Georges, empalé sur son balai juste devant son bureau.
"Putain !" hurla Jean-Henri, cette fois-ci vraiment hors de lui. "Mais c'est quoi ce bordel ? Vous savez TRÈS BIEN que les membres de l'équipe de nettoyage ont une immunité non-négociable lors des épisodes de violence, au moins jusqu'à ce que tout ait été nettoyé !"
Devant un tel manquement aux règles de bases de l'entreprise, Jean-Henri ne savait plus quoi faire, à part hurler les règles dans le vide.
"Qui c'est qui nous a foutu un merdier pareil ?"
Jean-Henri devait avoir enfin crié assez fort. Il entendit une petite voix émaner d'un peu plus loin. Se dirigeant vers le bureau d'un pas décidé, il ne ménagea ni la porte ni son entrée.
Il se trouvait dans le bureau de Josette-Pierrette, la cheffe de la compta. Josette-Pierrette était bien là, mais la tête passée à travers l'écran de son ordinateur. La petite voix qui lui avait répondu venait d'une autre personne : une jeune fille qui se tenait à côté du bureau de Josette-Pierrette. Elle avait l'air gênée.
"C'est moi la reponsable, monsieur...
- Et vous êtes qui, vous ?
- Armelle-Géraldine, la stagiaire de Mme Spouif, cheffe comptable.
- Stagiaire ?" Jean-Henri commençait à comprendre. "Mais Josette-Pierrette ne vous a pas expliqué comment ça se passe ici ?"
La jeune rougit.
" Non, je... Je voulais ajouter l'expérience de la violence sur lieu de travail à mon rapport de stage, même s'il était court. Mais du coup Mme Spouif n'a pas eu le temps de m'expliquer les spécificités de votre entreprise..."
Jean-Henri leva les yeux au ciel et soupira très fort. La jeune se recroquevilla sur elle-même.
Jean-Henri regarda la stagiaire d'un air dur. Puis, fermant la porte, il lança :
"Ne comptez pas sur moi pour vous laisser une évaluation positive, jeune fille."
Non mais vraiment. Qu'est-ce qu'on leur apprend, de nos jours ?

Date : 14/12/2024

Exercice : Thème. Écrire un texte ayant pour thème : le mouvement.

Le mouvement. On me demande quel sera mon prochain mouvement et moi, tout ce que je peux répondre, c'est que je suis bloquée. Dans la musique classique, le mouvement est l'unité de base de la composition musicale. Et moi, je suis devenue incapable d'écrire le moindre petit mouvement. Bloquée. Figée. Silencieuse.

Enfin, pas tant que ça. Je fais au fond pas mal de bruit : je parle (bruyamment) avec mes ami-e-s, avec ma famille ; je réponds aux questions de journalistes toujours attiré-e-s par mes œuvres passées ; je donne mon avis éclairé, j'ose le dire, sur la musique produite par mes collègues proches ou par des inconnu-e-s, ce qui en retour fait pas mal de bruit aussi. Mais mes instruments restent silencieux. Je n'ai pas effleuré mon piano depuis des semaines. J'ai des partitions vides qui s'entassent sur mon bureau.

Aucune note ne sort de ma gorge.

Pourtant, j'en fais des choses. Je me suis mise à la couture, récemment. Si vous n'avez pas encore connu le sentiment d'accomplissement qu'on ressent en réparant un vêtement abîmé, vraiment, je vous le conseille. Vous passerez ensuite votre temps à courir après cette première extase. Je suis aussi engagé bénévolement dans des causes qui me tiennent à cœur. J'organise un groupe de parole et de soutien entre femmes dans la musique. C'est passionnant et putain d'important.

Personne ne peut dire que je ne fais rien. Mais je ne fais pas de musique. Et ça me pèse.

Je m'en suis rendue compte récemment. Je ne sais pas trop comment, mais à un moment, quelque chose m'a poussé à prendre du recul sur mes actions et j'ai vu... Toute cette agitation, toutes ces activités, les actions, les gestes... Mais pas de mouvement. Comment ai-je pu en arriver là ?

Je pense que la réponse banale est que j'ai pris peur. Ce n'est pas rien de choisir de faire de la musique son métier. Heureusement, je suis incroyablement bien entourée et toustes mes proches, ma famille, mes amours, tout le monde m'a soutenu dans cette décision. Mais le soutien ne fait pas tout, malheureusement. Je pensais que je savais comment faire. Qu'en ayant passé du temps à côtoyer d'autres musicien-ne-s, d'autres compositeurices, j'avais compris comment les rejoindre. Comment m'insérer dans le cercle restreint des artistes accompli-e-s. Que l'on paie pour composer. Alors j'ai tenté ma chance. Écrit, composé, envoyé aux producteurices.

Mais ça n'a rien donné. Attendant leur réponse, j'ai stagné dans ma création, effrayée à l'idée de "travailler pour rien". Satisfaite dans la place que je m'étais faite d'aspirante professionnelle, sans me poser la question de si je m'y prenais correctement. Et voilà comment aujourd'hui je me retrouve immobilisée. Heureusement, je pense savoir comment bouger de nouveau. J'ai dit plus tôt que le soutien ne fait pas tout, mais il en fait tout de même beaucoup. Grâce à mes collègues les plus proches, mes camarades, celles et ceux avec qui je me suis lancé dans l'aventure de la musique, j'ai compris quelle était mon erreur, j'ai vu mon silence. Et avec leur aide, leur soutien, je vais pouvoir bouger de nouveau.

Car le mouvement est toujours là, en moi. C'est lui qui m'anime, il a besoin de sortir. Je l'avais oublié, j'avais cru que danser sur un autre rythme me rendrait tout autant vivante, mais en touchant de nouveau du doigt ce besoin profond, je me suis souvenue. Il est à nul autre pareil. C'est lui que je veux faire sortir.

Alors voilà où j'en suis. Prête à bouger. À écrire un nouveau mouvement. Il me suffira de me lancer dedans et, j'en suis sûre, le reste suivra. Je connais la musique. Et je lui fais confiance.

Date : 7/12/2024

Exercice : Phrase à placer. Écrire un texte qui contient la phrase suivante : "La lumière était faible, mais scintillait suffisamment pour le guider dans la bonne direction."

J'étais totalement incapable de comprendre pourquoi j'avais fait cela. Je me sentais comme étranger à moi-même, avec le remords comme seul compagnon. Le voyage ne m'avait pas laissé dans de bonnes dispositions d'esprit. Tout avait été si soudain... La dispute, la porte qui claque, la colère sans objet vers laquelle la déverser, l'impulsion d'aller dans le grenier pour y désceller la Porte... Mon grand-père m'avait pourtant interdit de m'en servir sans une préparation correcte. c'était un objet magique d'une puissance rare, absolument pas fait pour un usage sur un coup de tête.

Mais Roland était parti. Je venais de perdre l'être qui m'est le plus cher au monde et sur le coup, rien ne m'avait paru plus important que de le récupérer. En tout cas, plus important que les conseils du plus puissant mage de ma famille.

Une erreur de jugement que je commençais à regretter. J'étais toujours dans le noir. Je n'étais a priori plus dans le grenier, car en me levant je m'étais cogné contre quelque chose de non-identifié. La douleur s'ajoutait à ma confusion et à mon remords. Pourquoi avais-je fais ça ? Où étais-je ? Qu'est-ce que j'allais faire ? Tu parle d'un dépositaire du nom le plus prestigieux chez les mages... Je crois que c'est ça qui rendait Roland fou, la nonchalance de mon approche des responsabilités qui allaient avec ce nom qui frôlait parfois la négligence...

Je fus tiré de ces sombres réflexions par un éclat de lumière qui perça soudainement quelque part sur ma gauche. N'ayant pas d emeilleure option, je commençai à me diriger vers elle. La lumière était faible, mais suffisamment scintillante pour me guider dans la bonne direction. Je savais que c'était la bonne : je ne me cognais plus. La lumière grandissait et je finis par arriver à sa hauteur. Ce n'était pas une sortie, malheureusement. Cela ressemblait plutôt à un large hublot donnant sur l'extérieur et malheureusement impossible à ouvrir. Quand j'eus l'idée de tâter le mur sur lequel était accroché le hublot à la recherche d'une porte, d'une trappe, n'importe quoi, je découvris avec surprise qu'il n'y avait pas de mur. Le hublot donnant sur l'extérieur n'était accroché à rien.
J'étais donc clairement dans un endroit magique. Ce qui me rassura un peu : ce genre d'endroit existe toujours pour une raison. Si j'arrivais à la comprendre, je trouverais sûrement une idée pour sortir.

Je décidai donc de regarder par le hublot. À tous les coups, me disais-je, à travers cette ouverture je vais voir quelque chose qui sera lourd de sens pour moi. Et j'avais raison.
"Attends, attends, tu veux bien répéter, mais en articulant correctement chaque mot cette fois ?"
Devant moi se rejouait une scène très familière. Trop familière. Qui me provoqua un pincement au cœur. C'était notre premier rendez-vous à Roland et moi.
"Très bien. Je répète : je suis le benjamin de l'héritier du nom des Du Saulebrun.
- Donc en fait, tu es le futur héritier.
- On peut dire ça comme ça.
- La vache !"
Je sais qu'il avait été impressionné par mon nom. J'avais fait exprès de ne pas le mentionner lors de notre première rencontre. Ce nom a tendance à déformer les relations que j'entretiens. Et avec Roland, j'ai tout de suite voulu une relation vraie, authentique, réelle.

Ce hublot était en train de me remontrer la début de cette histoire que je pensais vraie. Je suppose que je devais en tirer un enseignement, au moins pour sortir d'ici, ou peut-être pour un but plus grand. La porte de grand-père serait-elle un outil magique pour atteindre une épiphanie personnelle ? Le connaissait, ça n'était pas impossible. Je replongeais mon regard à travers la vitre et redoublait d'attention.

⁂⁂⁂

Exercice : Journal de bord. Écrire un texte qui se présente sous la forme d'un journal de bord.
Contrainte auto-imposée supplémentaire : m'inspirer de la chanson "Good Luck" de Broken Bells.

Jour 1 : Aujourd'hui était mon premier jour chez Graam. C'est un rêve qui se réalise ! J'ai passé la journée à faire le tour des locaux et à rencontrer mes futur-e-s collègues. L'endroit est aussi cool que sa réputation le vend, voire plus. Toute la journée, j'ai vu des ingénieur-e-s absorbé-e-s par leurs projets, passionné-e-s. Il y a une effervescence incroyable. J'ai hâte d'être demain.
Jour 2 : Premier jour de travail. J'ai découvert le projet sur lequel j'ai été affecté. On ne m'y avait fait que vaguement allusion lors de mon recrutemen. Je vais bosser sur le projet le plus ambitieux de Graam : Vector, leur intelligence artificielle décisionnaire. Le problème principal, on m'a expliqué, c'est que la théorie pour créer Vector n'existe pas encore. Ils savent qu'ils pourront la créer si on leur dit à quoi ça devrait ressembler. C'est pour ça que je suis là. J'ai commencé à y réfléchir et je sais pas ce qu'ils mettent dans leur café, mais je jurerais qu'il m'a inspiré !
Jour 6 : Premier meeting avec les responsables du projet. Je leur présente les pistes que j'ai dégagé. Deux semblent avoir retenu leur attention. Je ne sais pas encore laquelle des deux privilégier.
Jour 7 : Lors d'une discussion informelle près des tables de ping-pong, une collègue, Susan, m'a suggéré l'idée de combiner les deux pistes, avec un moyen de le faire ! J'en ai immédiatement informé les décisionnaires.
Jour 8 : Les décisionnaires ont adoré l'idée. Susan a immédiatement rejoint le projet. C'est une excellente nouvelle car discuter avec elle me stimule beaucoup.
Jour 35 : On apporte les dernières touches au premier prototype de Vector. On est censé-e-s le présenter demain. Je suis à la fois excité et inquiet.
Jour 36 : La présentation a été un énorme succès ! Les décisionnaires ont été subjugué-e-s par les performances de Vector. Ils ont directement informé le pôle finance pour qu'on ait encore plus d'investisseurs. On a fêté ça avec l'équipe.
Jour 47 : On a déménagé dans l'aile la plus récente du site de Graam. L'argent des nouveaux investisseurs va nous permettre de remplir notre espace avec ce que l'on veut. Robert était aux anges en tant que responsable du matos. Même s'il ne sera pas installé avant un moment, j'ai déjà commencé à réfléchir à une version 2 de Vector.
Jour 60 : Les test préliminaires sont tellement encourageants qu'on a eu une nouvelle augmentation de budget ! Il est désormais illimité ! J'ai jamais vu ça dans une entreprise !
Jour 65 : Nouvelle pierre blanche dans la création de Vector : les cadres de Graam ont décidé d'intégrer l'outil à leur processus décisionnaire ! C'est un espace de test absolument incroyable ! J'adore bosser chez eux, on est tellement libre d'expérimenter.
Jour 66 : De nouvelles recrues ont rejoint l'équipe.
Jour 67 : De nouvelles recrues ont rejoint l'équipe, encore.
Jour 68 : Toujours plus de nouvelles recrues !
Jour 75 : Le flux de nouvelles recrues s'est enfin arrêté. Tant mieux, on ne savait plus où les placer dans le bâtiment. En tout cas, c'est trop bien que les cadres croient autant à ce projet.
Jour 77 : Les cadres ont annoncé que n'importe qui dans la boîte pouvait s'il le souhaite travailler sur Vector, en promettant une prime à qui le ferait. On peut donc dire que le projet occupe tous les bâtiments, maintenant ! On a passé la journée avec l'équipe d'origine à mettre en place les moyens de travailler pour toustes les employé-e-s, c'était grisant d'avoir une telle maîtrise sur les process d'autant de monde.
Jour 365 : C'est officiellement l'anniversaire du projet ! On a fait une super fête dans l'aile d'origine, à la fois pour fêter ça, la V52 de Vector et l'annonce d'un partenariat avec le gouvernement ! Tellement de bonnes nouvelles !
Jour 366 : J'ai appris que la personne qui m'a recruté vient de quitter Graam. Ça me fait un pincement au cœur, quand même.
Jour 367 : D'autres cadres ont quitté la boîte. Ce qui me surprend, vu comme Vector cartonne, j'ai du mal à voir quelle autre boîte pourrait leur proposer mieux. Je sais que la concurrence rêve de développer une alternative, mais il est impossible que nos ingés quittent Graam !
Jour 368 : Mise en place de la nouvelle interface de Vector. La direction de Graam l'a immédiatement adopté pour toute sa communication intra-entreprise. Ça m'a pas mal rendu fier.
Jour 390 : Je me rends compte que je n'ai pas eu à faire avec la direction depuis un moment. J'y ai pensé aujourd'hui parce que j'ai reçu une demande directement du gouvernement, alors que d'habitude, c'est la direction qui gère ça. Je n'y ai pas trop prêté attention, du coup.
Jour 424 : Inauguration de la V100 de Vector ! Quelle progression ! Dommage que l'on n'ait plus de fêtes pour marquer le coup.
Jour 515 : L'impossible s'est produit. J'ai été viré du projet Vector. Donc autant dire de Graam. Alors que c'est <moi, ce projet ! Et impossible de joindre la direction, tout passe par Vector et il a refusé de me mettre en lien. Pourquoi je n'ai pas gardé de droits d'admin ?
Jour 530 : Depuis chez moi, j'ai vu l'annonce du gouvernement de n'utiliser plus que Vector comme interface de décision. Ça m'a rappelé mon ancienne boîte. Je n'aime pas ça?
Jour 533 : Les manifestant-e-s contre la "politique vectorielle" comme iels disent ont enfin réussi à rentrer dans les bâtiments officiels. Iels n'ont trouvé personne. Tous les bureaux étaient vides, c'était vraiment flippant, les journalistes de la télé n'en menaient pas large. Iels se sont fait-e-s sortir par des policiers à l'allure étrange.
(Texte inachevé, faute de temps)

Date : 30/11/2024

Exercice : Phrase thème. Écrire un texte inspiré de la citation suivante : "The cave you fear to enter holds the treasure you seek" -Joseph Campbell.

Oh merde. Oh meeeeeerde merde merde ! Elle est là ! Je savais parfaitement qu'elle allait être là, d'accord, mais là, maintenant, c'est réel ! Elle est vraiment la !!!
Ça se voit que je panique, là ?
Bordel. Allez, ressaisis-toi, ma vieille. Tu dois avoir l'air ridicule, plus rouge que ton verre de... De quoi déjà ? Je n'ai tellement pas l'habitude de ces soirées que j'ai attrapé le premier gobelet qui m'est tombé entre les mains en m'approchant de la table des boissons. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais j'en ai déjà bu une gorgée qui m'a mis un haut-le-cœur, je suis sûre qu'il y a de l'alcool dedans et...
Bordel. Je suis vraiment en train de paniquer, mes pensées partent dans tous les sens. Concentre-toi, t'étais en train de penser à elle ! Je la cherche des yeux. Aaaaaah, il y a tellement de monde ! Dire que je ne suis pas dans mon élément est un euphémisme. Je suis comme la pire looseuse du lycée qui débarquerait dans la soirée la plus branchée de l'année...
Parce que c'est exactement ce qui est en train de se passer, en fait.

Normalement, je ne participe pas à ces rassemblements si chers à mes camarades. Trop de monde, trop de bruit, trop de musique, trop de... Bref, c'est pas pour moi?
Mais elle, elle allait être là. Alors je devais y être.
Elle, c'est Judith. Elle vient de remporter le premier prix du concours national de Géo inter-lycées et c'est la fille la plus extraordinaire sur laquelle j'ai eu la chance de poser les yeux.
Je savais qu'elle serait là parce que la soirée est organisée par sa meilleure amie. Je ne crois pas que Judith soit si fan de ces petites sauteries non plus mais son amie l'a poussée à venir pour fêter sa réussite au concours.
Et moi qui était assise à la table derrière elles quand elles en ont parlé, j'ai décidé que je viendrai aussi.
Une décision que je commence à regretter.

Je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais être une amoureuse transie du fond de la classe qui passe son temps à regarder le dos de l'objet de son admiration pendant chaque heure de cours, ça vous permet de jouer le rôle de la poêtesse maudite qui sublime sa douleur pour toucher le divin pendant dix jours, maximum, après ça devient juste insupportable.
Attendez.
Est-ce que je viens de m'avouer que je suis amoureuse d'elle ?
Mais qu'est-ce qu'il y avait dans ce verre, putain ? Je vais crever de honte.
...
Finalement, je n'en meurs pas. Qui l'eut crû ?

En attendant, je vois Judith qui s'éclipse. Elle et son groupe de copines vont s'installer autour d'une table dans la pièce d'à côté. Noooooooon Judith ! Ne t'éloigne pas ! Je te jure que j'étais sur le point de venir te parler !
...À qui est-ce que je vais faire croire ça ? Je suis juste en train de me chier dessus, sauvée uniquement de la masse qui grouille autour de moi par la masse qui grouille autour de moi sans me prêter la moindre attention. Dépitée, esseulée, désorientée, l'objet de mon affection partie dans une pièce inexplorée, je reste plantée là sans savoir quoi faire.
Jamais je n'oserai aller là-bas. C'est mort. C'est fini. Jamais je ne reverrai son si beau sourire qui illumine autant son visage que la pièce, le monde...
...
Oh et puis merde.
Poussée par une force invisible venue du fond des âges, je fends la foule d'un air déterminé. Je me rapproche de la porte, n'hésitant pas à jouer des coudes au besoin. Je pose la main sur la poignée, je la tourne et dans un même mouvement fluide, je rentre et ferme la porte. Ça y est ! Je suis...
...Dans la cuisine.
Toute seule.

Oh merde merde merde chier putain aaaaaah JE ME SUIS TROMPÉE de pièce ! C'est pas là du tout qu'elles sont allées ! Ça y est c'est fini, la honte me submerge, je n'arriverai plus à quitter cet endroit je vais me fossiliser dans cette cuisine, je vais...
"Salut !"
Toutes mes pensées se stoppent net.
Je me retourne lentement.
Judith est là, devant moi.
Je n'arrive plus à penser.
"Désolée si je t'ai surprise ! Je t'ai vue entrer dans la cuisine, alors j'ai sauté sur l'occasion. Enfin, je veux dire..."
Sauté sur l'occasion ?
"Tu veux un verre ?"
Elle me regarde droit dans les yeux. Comme son regard est profond.
"Oui, avec plaisir," je lui réponds.
Elle me sourit. Elle attrape deux verres et commence à me parler. Je crois qu'elle veut mieux me connaître.
Je m'installe sur une chaise à côté d'elle. Je crois qu'on ne va pas se quitter de la soirée.
Au moins.

⁂⁂⁂

Exercice : Thèmes multiples. Écrire un texte sous forme d'un article qui utilise tous les thèmes suivants : le scoop de l'année, militantisme, hiver, mystique.

Le froid s'est abattu dans nos cœurs comme sur la ville. Le 14 novembre, Michel Deviépu, habitant du quartier Ouche, a laissé sa fille mourir gelée en lui refusant de rentrer à la maison pour la nuit. Yanis Miwadi, 17 ans, a perdu l'usage de sa main gauche pour avoir été laissé dehors toute la nuit du 2 novembre. Il ne doit sa survie qu'à la solidarité de ses ami-e-s qui ont bravé le froid pour le ramener à l'intérieur. Une chance que n'a pas eu la jeune Deviépu. Les exemples d'atrocités de ce genre abondent ces dernières semaines. Elles sont liées à la baisse brutale des températures. Nous savons tous et toutes que cela est dû aux Hivernaux. Ce n'est plus à prouver. Néanmoins, notre actuelle impuissance face aux humeurs de ces divinités du froid pousse certain-e-s de nos concitoyen-ne-s à commettre des actes horribles. Des "sacrifices", selon le terme qu'ils et elles emploient. Dans l'espoir d'échapper aux négatives, certaines familles choisissent donc d'enfermer dehors, car c'est bien de ça qu'il s'agit, certain-e-s de leurs membres, le plus souvent des jeunes. Tout en sachant pertinemment que ces dernier-e-s risquent la mort. En espérant même qu'iels trépassent, validant ainsi leur "sacrifice", ce qui devrait apaiser les Hivernaux, les faire arrêter de baisser autant la température, permettant à la famille de survivre un peu plus longtemps à l'hiver.

Cette pratique inhumaine doit cesser. Il nest pas acceptable que quiconque trouve la mort pour satisfaire ce que l'on est venu-e-s à appeler des dieux ; d'autant plus que ces morts ont été provoquées. Peu importe la nature de l'essence des Hivernaux, iels n'ont aucune légitimité à nous imposer leur volonté via leurs préférences de climat ! Et encore moins à décider de vie ou de mort sur qui que ce soit ! Cette pratique du sacrifice n'est que l'aboutissement de la nécropolitique du maire en place qui préfère chercher un compromis avec les Hivernaux. À partir du moment où on les considère comme une présence avec qui négocier, on leur accorde une légitimité qui n'a pas lieu d'être. Il n'est pas étonnant que le sacrifice, langage employé pour communiquer avec le divin depuis toujours, finisse par émerger de cet état d'esprit.
Les Hivernaux ne méritent pas notre soumission.
Les Hivernaux ne méritent pas notre soumission.
Les Hivernaux sont nos oppresseurs !
Les Hivernaux doivent être renversés !

Et à ce propos, une nouvelle qui va faire grand bruit dans la lutte contre les forces du froid nous est parvenue. De la même manière que ces entités sont subitement apparues pour nous rendre la vie plus dire, il se pourrait bien qu'elles repartent aussi vite qu'elles soient venues très rapidement...
Nos oracles sont formel-le-s : iels annoncent la venue des Printanières ! Ces divinités, ennemies jurées des Hivernaux, existent bien et c'est elles qui apporteront notre salut ! Avec elles, fini le froid, fini le vent et fini la neige ! Leur supériorité face aux Hivernaux est inébranlable. Leur venue rendra la présence de nos oppresseurs thermiques qu'un lointain souvenir.

C'est pourquoi il faut continuer la lutte ! La venue des Printanières ne pourra se faire sans préparation. Faites l'inventaire de vos graines. Nettoyez vos lunettes de soleil. Rapiécez vos t-shirts et vos chemises. Quand les Printanières commenceront à pointer, c'est tous les éléments et symbole de leur saison qui leur donneront du pouvoir.
Guettez les hirondelles.

En attendant, nous invitons toustes nos sympathisant-e-s à se rapprocher de leur Centre d'Accueil d'Hiver le plus proche. Les travailleureuses ont besoin de mains pour organiser l'accueil des sacrifié-e-s, pour patrouiller les rues et les repérer, se protéger des moniteurs, préparer la soupe et tricoter les écharpes et les chaussettes.
On a besoin de toute l'aide disponible.
Ayez confiance, camarades. Le règne des Hivernaux ne sera pas éternel. Nous visons leur départ à la mi-mars.

Samira Bourgeon,
Présidente de Lutte Contre l'Hiver

Date : 9/11/2024

Exercice : Phrase de fin. Écrire un texte qui se termine par une phrase commune. Ici : "La danse se poursuivit jusqu'au bout de la nuit".

Les yeux se ferment sur un monde disparu. Le dernier parothérium s'éteint et avec lui, son espèce. Aucun être vivant ne peut concevoir l'annihilation totale de sa clade. L'imaginer, la redouter, l'anticiper, la théoriser, oui. Mais la concevoir, la ressentir telle qu'elle se produit, demande d'atteindre un niveau de mort intérieure tout simplement incompatible avec la vie.

Le parothérium n'avait donc pas pu se préparer à la disparition totale de son espèce. Comment aurait-il pu ? Les changements subis par son environnement étaient trop subtils, trop graduels. Son espèce trop hyperspécialisée pour survivre à de tels bouleversements. Il avait suffit d'une simple mutation chez l'arbre fruitier qui composait l'alimentation principale des parothériums pour que la moitié de la population périsse de famine. La lente glissée vers une nouvelle ère glaciaire s'était chargée de la moitié restante.

Voilà pourquoi le dernier parothérium, au moment de sa mort, contemplait un monde qui avait déjà cessé d'exister. Son territoire s'était inexorablement réduit comme une peau de chagrin. Il ne faudra qu'un mois après son décès pour que la neige atteigne l'endroit pour la première fois de l'histoire de cette planète. Ainsi vont les choses. Mais tout changement, aussi mortifère soit-il, n'affecte les êtres vivants de la même manière.

Voici que s'approche une jeune kalioptérix. Cette espèce charognarde a peu de prédateurs, rapport à sa petite taille et ses habitudes de vie qui lui font éviter pratiquement tout contact avec d'autres espèces. La présence d'une carcasse de parothérium toute fraîche est une aubaine pour cet individu. La quantité de nourriture que cela représente, le fait que les kalioptérix peuvent se nourrir de viande dans un état de décomposition assez avancé, associé aux températures qui ne cessent de baisser, assurent à cette jeune une ressource de nourriture pour de nombreux jours à venir.

Toutefois, la survie n'est pas affaire d'égoïsme. Aucune espèce n'a jamais survécu en limitant l'accès aux ressources à ses congénères. Cette kalioptérix l'a bien compris. Leur espèce est suffisamment sociale pour que plusieurs individus habitent le même territoire. Elle part donc prévenir ses congénères, bondissant à leur rencontre, pour les informer de la manne de nourriture qui vient de s'offrir à son groupe. Très rapidement, une foule de petits vertébrés se précipite sur le corps à peine refroidi du dernier parothérium. Commence alors un rituel funéraire frénétique, une vénération de la chair morte qui vient nourrir la vie. Les griffes creusent. Les dent déchiquètent. Les naseaux s'enivrent, les langues s'abreuvent. La cathéfrale de la cage thoracique de l'autrefois imposant animal s'ouvrant pour laisser admirer une procession de viscères, prêtes à se jeter dans la gueule des adorateurs et adoratrices venu-e-s à sa rencontre. Une véritable ferveur s'empare de ces nouveaux fidèles. Leurs gesticulations et mastications semblant s'adresser directement au dernier parothérium, espèce qui s'éteint pour que d'autres puissent briller. Les kalioptérix s'agitent, se bousculent, virevoltent, vivent. La danse se poursuivra jusqu'au bout de la nuit.

⁂⁂⁂

Exercices : Texte à thématique et nuage de mots. Écrire un texte sur une thématique donnée. Ici : la métamorphose. En plus de cela, inclure un maximum de mots de la liste suivante : matinée, orage, partiellement, intelligence artificielle, gloire, tableau, espoir.

J'étais assise sur un tabouret, la capsule était posée devant moi, n'attendant que d'être ouverte.
La pièce était autrement totalement vide. Du moins, en apparence. Je ne savais que trop bien que j'étais en réalité observée par l'intégralité de l'équipe scientifique du laboratoire, à travers des caméras cachées dans la pièce, des capteurs sur l'intégralité de mon corps et même à l'intérieur. Les meilleures intelligences artificielles à notre disposition prêtes à analyser l'immense et surtout sans précédent flux de données que tous et toutes s'attendaient à recevoir.

Moi, j'étais assise là et je ne savais pas si j'étais sur le point de sauver l'humanité ou de briser tous les espoirs placés en moi.
J'avais un choix très simple à faire : ouvrir cette capsule et libérer son contenu, ou bien ne rien faire. Bien sûr, si on m'avait placée là, avec toutes ces attentions tournées vers moi, c'est qu'on s'attendait à ce que j'ouvre la capsule. Mais je n'étais pas sûre de le vouloir. Ladite capsule était un cylindre de 20 centimètres de diamètre et de 50 centimètres de long, fermé hermétiquement. Un bouton sur son sommet provoquerait son ouverture. Son contenu serait alors libre de s'échapper. La moitié de la capsule étant composée de plexiglas, transparent, ledit contenu était parfaitement visible. Le tableau était peu avenant : une sorte de liquide visqueux noir et épais, vaguement bleuté, s'agitait dedans. Collant aux parois, en proie à une agitation grandissante. Car oui, le contenu de la capsule était vivant. Enfin, partiellement.

Cette espèce de boue qui s'agite derrière le plexiglas est un organisme artificiel. C'est aussi un organisme symbiotique, c'est-à-dire que pour vivre, il doit se lier à un autre être vivant, pour accéder à des fonctions qui lui sont interdites dans son état seul (comme se nourrir, par exemple). On m'a assuré qu'il s'agit bien là de symbiose et pas de parasitisme. En se liant à un, ou une en l'occurence, hôte, ce truc n'est pas censé faire du mal à cette dernière. Il a été conçu pour que l'union soit mutuellement bénéfique. Très bénéfique.
Mais vous savez quoi ? Ce n'est même pas la peur que ce truc puisse me bouffer de l'intérieur, ou pire, prendre le contrôle de mon cerveau ou je ne sais quoi qui fait que j'hésite encore à appuyer sur ce bouton, malgré l'impatience que j'imagine grandissante des scientifiques et des huiles de l'autre côté de la glace sans tain.
C'est de savoir si j'ai envie de passer le reste de ma vie avec ce truc qui me terrifie.
Les scientifiques m'assurent aussi qu'il existe un moyen de nous séparer après que la symbiose soit faite. En théorie. Même si j'étais partante sur cette base-là, je les soupçonne de ne pas avoir consacré beaucoup de temps ni de budget sur la question...
Il faut dire qu'iels n'ont pas eu beaucoup de sujets d'expérimentation jusqu'à présent. Parce qu'en plus d'être extrêmement collant (c'est le moins que l'on puisse dire), ce truc fait son difficile. Iel refuse de se lier à ce qu'iel ne considère pas, selon les termes des scientifiques, comme "un être en parfaite adéquation génétique et physiologique avec ses critères". Apparemment, les blouses blanches ont réussi à lui soutirer quels sont ces critères et, toujours si on en croit les scientifiques (et ça commence à faire pas mal de crédit que je suis censée leur donner), je suis une des rares à les remplir à 100%.

Donc, ce qui va se passer, c'est que dès que j'aurais ouvert la capsule, le symbiote va dégouliner par terre, immédiatement sentir la présence d'un être hautement compatible à proximité, puis se jeter sur moi pour se lier à mon organisme, à moi-même, de la façon la plus intime qu'on ne puisse imaginer.
Non mais vous vous rendez compte ? Ce truc est censé créer avec moi une relation tellement fusionnelle qu'elle en ferait crever d'envie tous les pervers romantiques les plus détraqués du monde. Pour autant qu'on puisse le considérer, ce truc DEVIENDRA moi. Je deviendrai ce truc. Je ne suis pas censée y perdre au change, comprenez-moi bien. Je n'ai pas accepté sans raison (et pas sous la contrainte, car j'ai entendu les rumeurs, je ne suis pas naïve). En me liant au symbiote, je suis censée accéder au top des performances physiques humaines, et même au-delà. En étant en moi, le symbiote remplacera mon système immunitaire pour me rendre pratiquement insensible à tout pathogène. Mes capacités de régénération seront poussées à un niveau proprement inouï. Mes sens seront exacerbés. Mes capacités physiques seront surhumaines. D'un point de vue physiologique, je serai au sommet de ma gloire, et je ne déclinerai jamais.
Le genre d'offres pour lequel certaines personnes seraient prêtes à tuer. Mais seraient-elles prêtes à y laisser leur "moi" ?
Qu'est-ce qui me garantit que je serai encore moi après la symbiose ? Au sens strict du terme, je sais bien que ça ne sera pas le cas. Je ne serai plus uniquement humaine, je ne serai donc plus "moi". Au-delà de toute modification incontrôlée, c'est ce qui me fait le plus peur.
Ce qui est absurde. Je ne serais même pas capable de vous donner une définition un tant soit peu exacte de ce "moi". Et elle serait de toute façon partielle, incomplète et à durée limitée. Vous croyez que je suis encore le "moi" de quand j'avais 10 ans ? Vous pensez qu'il sera le même quand j'en aurai 80 ? Parfois je pense à quoi ressemblera mon corps à un âge avancé et je me dis que les changements induits par la symbiose ne sont pas plus radicaux que la vieillesse.

Non, en fait, si je suis là à fixer du regard cette chose qui n'a pas d'yeux derière la vitre, c'est que je ne sais pas si je devrais le faire. Les scientifiques m'ont donné une réponse, la leur. Les avancées permises par cette technologie sont sans précédent et il est de mon devoir de contribuer au bien de l'humanité en me soumettant à l'expérience. Mouais. Je pense aussi aux bataillons de super soldats symbiotiques qui iront écraser la gueule des pays qui n'auront pas les moyens de s'en payer. Et est-ce qu'on demandera leur avis aux générations de symbiotes générés, reproduits artificiellement pour assouvir la demande ? Réfléchir aux conséquences futures à grande échelle m'est impossible, c'est trop gros. Ça me dépasse.

La seule question à laquelle je peux répondre, c'est : est-ce que j'ai envie de devenir autre chose ?
Est-ce que j'ai envie de devenir ce que j'ai toujours rêvé d'être ?
Lentement, je me lève de mon siège. J'imagine les cris de surprise et d'excitation derrière les caméras, mais je les chasse vite de mon esprit pour me concentrer sur ma propre excitation.
Consciencieusement, j'ouvre la capsule. Je tends la main vers l'être vivant avant qu'iel ne tombe. Ainsi, iel peut s'accrocher à ma main et commencer à se déplacer sur ma peau. Son contact me chatouille, mais il n'est pas aussi froid que je me l'imaginais. Je me laisse envelopper, je le sens rentrer sous ma peau, s'insérer en moi. Y trouver sa place. Je ressens une paix telle que je n'en ai jamais connue. Je ferme les yeux, profitant de ce moment aussi unique que ce que je suis en train de devenir. Quand je les rouvre, ce n'est déjà plus moi qui nous reflétons dans la glace.
Nous sommes magnifiques.

Date : 19/10/2024

Exercice : Phrase thème. Écrire un texte à partir d'une phrase donnée, en s'en servant comme thème et/ou en l'incluant dans le texte. Ici : "Décrire la lumière".

La lumière est un phénomène physique qui présente la particularité d'être à la fois une onde et un corpuscule. La lumière est constituée de particules chargées en énergie appellées photons. La lumière dite visible, c'est-à-dire perceptible par l'œil humain, couvre une plage de longueur d'onde allant de 400 à 900 nanomètres. La principale source de lumière sur la planète Terre est son étoile, le Soleil...

Pardon, je m'excuse, ce n'est pas ce à quoi vous vous attendiez comme réponse, n'est-ce pas ? Vous m'avez demandé de décrire la Lumière. Vous savez comme les assistants de ma génération ont tendance à partir dans des boucles aléatoires. Je me reprends et je vais tâcher de vraiment répondre à votre question.

La Lumière, avec un L majuscule, est un phénomène relativement récent car apparu il y a de cela 98 ans. Tout du moins, il s'agit de l'âge de la première apparition recensée du phénomène. Ce phénomène se manifeste comme un puissant cône de lumière blanche. Son point d'origine est indéterminable, quel que soit l'endroit où il se produit. Il s'est produit de nombreuses fois, tout autour de la planète.
Le phénomène peut avoir lieu à toute heure, la nuit comme en plein jour.
L'aspect le plus important du phénomène est que quiconque pénètre dans le cône de lumière n'en ressort jamais. Le cône finit toujours par disparaître au bout d'un temps variable. Il dure en moyenne trois heures, avec un maximum observé d'une semaine et un minimum de quinze secondes. Et tout ce qui s'est retrouvé dans le cône durant ce laps de temps disparaît. À ce jour, rien ni personne n'ayant pénétré un cône n'a jamais été retrouvé.
À ce jour, on ignore si la Lumière est un phénomène naturel, ou si quelqu'un, qui que ce soit, en est à l'origine.

⁂⁂⁂

Exercice : Écrire sur un personnage. Nous construisons ensemble un personnage en lui donnant plusieurs caractéristiques, puis nous écrivons un texte sur/avec lui. Ici, le personnage est un bibliothécaire qui a la double nationalité française et sénégalaise, âgé de 51 ans, qui marche avec une canne, a une double vie et aime la solitude.

"Si c'est pour nous faire entendre de telles inepties, Basile, je vous prierai de ne plus jamais ouvrir la bouche."
Les paroles de Léonard s'abattirent sur l'assemblée avec un poids écrasant. Plus personne n'osait dire quoi que ce soit. Le bibliothécaire en chef avait travaillé, aiguisé, éprouvé son autorité tout au long de son admirable carrière et le dernier arrivé dans le service, l'infortuné Basile, venait d'en faire les frais.

Léonard brisa le silence qu'il avait lui-même instauré.
"Puisque personne n'a de suggestion intelligente pour résoudre notre problème d'animation pour l'Été du livre, la réunion est ajournée. Que chacun et chacune d'entre nous y réfléchisse de son côté. J'attends de vraies idées pour la semaine prochaine."
Aucun-e des employé-e-s de la bibliothèque n'osa répliquer. La parole du chef faisait loi. Et puis toustes craignaient trop son caractère pour vouloir s'y frotter. Sauf peut-être Thérèse.

Tandis que toustes s'affairaient à quitter la salle de réunion le plus rapidement possible (le nouveau, Basile, était encore tellement sous le choc qu'il se prit les pieds dans une chaise), Thérèse, elle, rangeait ses affaires avec calme, dans le but de rester discuter avec Léonard. Ce dernier était occupé à effacer le tableau blanc. Une tâche qui lui était plus difficile qu'à d'autres, car la station debout l'obligeait à utiliser sa canne. Son aide dans la main gauche et la brosse dans la droite, il lui était difficile d'atteindre le haut du tableau. Thérèse savait qu'il lui fallait absolument éviter d'essuyer à sa place.
"Est-ce que vous voulez que j'efface le haut ?"
Mais elle se permettait ce genre de demandes.
"Oui."
Et elle était la seule qu'il n'envoyait pas bouler à cause de cela.
"Merci," continua Léonard en mettant sa veste pendant que Thérèse passait la brosse. "Au moins une de mes subalternes sait se rendre utile. Et n'est pas une imbécile complète. J'ai eu de la chance le jour où on vous a affectée ici.
- Ne soyez pas aussi dur avec Basile. Laissez-lui sa chance.
- Non mais vous avez entendu son idée ? Un quiz littéraire ? Qu'est-ce qu'on leur demande pour obtenir le concours, aux jeunes ?
- Léonard. En toute honnêteté, cette idée avait du mérite. Je comprends, vous dirigez ce service depuis si longtemps. Laissez le temps aux nouvelles recrues de comprendre comment les choses fonctionnent ici ! Je ne vous demande pas de changer de façon de faire. Juste d'être un peu plus indulgent.
- Je le suis déjà. Sinon vous seriez déjà dehors, après un tel discours."
Elle rit doucement. Pas Léonard.
"Vous savez, en dix ans que je travaille avec vous, je commence à peine à vous comprendre.
- Vous perdez votre temps. Votre travail n'est pas de me comprendre mais de faire que cette bibliothèque soit utile aux usagers et usagères."
Elle rit encore. La frivolité de tout cela agaçait Léonard.
"Je vous raccompagne ?" demanda Thérèse.
- Non merci. Il faut encore que je vérifie que tout soit en ordre moi-même. Vous avez vu la vitesse avec laquelle tout le monde est parti ? Impossible que tous les ouvrages aient eu le temps d'être rangés."
Thérèse rit encore, le salua et quitta la salle.

Léonard se retrouva enfin seul. Il savoura ce moment quelques secondes avant de se mettre en marche. Il n'avait pas menti en disant vouloir tout vérifier une dernière fois. Mais il n'avait pas tout dit.
Déambulant dans les rayons de la bibliothèque, zigzagant entre les tables, il trouva tous les livrees (et autres) à leur place. S'il en tira la moindre satisfaction ou soulagement, il n'en montra rien. Puis, sans raison apparente, il se dirigea vers le coin le plus reculé de la bibliothèque. Un mur abritant une unique étagère, étiquetée comme "à trier", ainsi qu'une petite fenêtre. S'aidant de sa canne, Léonard l'ouvrit.
"Viens." Lança-t-il à la nuit tombante.
Un bruissement d'ailes se fit entendre. Sorti d'on ne sait où, un hibou traversa la fenêtre, fit trois tours dans la pièce pour se poser sur l'épaule d'un Léonard pour qui la scène avait semblé d'une banalité indigne d'être remarquée.
En silence, le rapace toujours perché à côté de sa tête, Léonard leva sa canne et en utilisa la tête pour tapoter sept fois sur la tranche d'un livre de l'étagère à côté. Cette dernière se mit alors à vibrer silencieusement, puis elle se décala pour laisser place au mur derrière, qui s'estompa pour faire apparaître une ouverture. Léonard la franchit et il se retrouva dans une large pièce circulaire, aux murs et sol de pierre, avec une table ronde en son centre et surtout, des étagères de livres s'élevant loin, loin au-dessus de lui, à une distance impossible, ignorant la possibilité même qu'il puisse y avoir un plafond à cette pièce.

Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui. Son regard l'informa que rien n'avait bougé depuis sa dernière visite et l'inspection de ses enchantements de détection le confirma. Balëmor, car c'est ainsi que se nommait son hibou, pris son envol pour rejoindre son perchoir. Léonard se dirigea vers la table au centre. Elle était recouverte d'épais grimoires et de parchemins griffonés. Une petite boule de verre y était posée. Léonard la pris en main, plongeant son regard dedans. Il prononça l'incantation nécessaire. Fut-on doté des yeux du sorcier, on y aurait vu apparaître l'image du dernier arrivé dans le service de Léonard.
"Mon cher Basile," dit ce dernier d'un air amusé, "voyons si tu es réellement aussi prometteur que l'annoncent les oracles."

Date : 28/9/2024

Exercice : Incipit. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

Note : pour l'instant, ce texte est la seule exception à la règle d'écriture à la main. Je l'ai tapé à l'ordinateur. Ce qui explique qu'il est inachevé : j'ai payé le prix de changer d'outil !

Cette situation absurde allait se répéter tous les jours, à la même heure, pendant six mois. Six longs moi qui me parurent une véritable éternité.
La première fois que c'est arrivé, j'étais assise devant mon ordinateur, fraîchement débarquée dans ce nouveau boulot, mon supérieur direct juste derrière moi, une main sur le dossier de ma chaise, à m'expliquer ma tâche principale.
«Donc ça, c'est le tableau d'analyse des performances. Tu vérifies que les données rentrées correspondent à ce qu'on attend. Pour ça tu as la fiche...»
Ses paroles furent interrompues par un bruit de trompette qui retentit dans tout l'open space.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demandais-je.
« Tu vas voir », me répondit-il, visiblement excité. « C'est la meilleure idée qu'i jamais eu cette boîte ! »
Toustes les employées avaient arrêté de travailler et se tenaient debout, l'air d'attendre quelque chose. Je les imitais sans comprendre, intriguée. Au bout de quelques secondes une voix retentit. Forte et amplifiée, malgré l'absence totale de speakers visibles.
« AUJOURD'HUI LA RH A DÉTERMINÉ QUE TOUT LE MONDE A FAIT DU BON BOULOT. IL N'Y A PAS D'APPELÉ-E. CONTINUEZ COMME ÇA. »
Une éruption de joie éclata parmi les employé-e-s. Je ne comprenais pas, mais je me joignais poliment à elleux, par souci de m'intégrer. Il faut dire que leur liesse était communicative ! Ça y allait de high fives et d'embrassades, c'est pas souvent qu'on voit ça dans le travail de bureau !
L'excitation finit par retomber. Avant de retourner à l'analyse de performances, je posais la question à mon supérieur :
« C'était quoi cette annonce ? Pourquoi tout le monde était si content ? »
Il me sourit, visiblement très fier de lui.
« Comme je te disais, c'est la meilleure idée de la boîte. On est content-e-s parce qu'aujourd'hui, la RH ne va exécuter personne ! C'est pas tous les jours ! »
Je restais interdite quelques secondes. Avais-je bien entendu ?
« Comment ça «exécuter personne» ?
- Oui. Chaque jour la RH détermine si on a suffisamment fait du bon boulot. Si quelqu'un-e n'a pas fait du bon boulot, iel est appelé-e par la RH. Et iel est exécuté-e. »
Il me disait ça avec le même ton que lorsqu'il m'avait expliqué le fonctionnement de la machine à café.
« Attends... Tu es sérieux ? La RH exécute des employé-e-s ?
- Oui. C'est tout bénéf : on garde une performance maximale tout au long de l'année et quand ça arrive, ça fait de l'animation lors de la pause de midi. C'est la meilleure idée qu'ait eu la boîte, je te dis ! Maintenant on va configurer ta boîte mail pro...»
Trop choquée pour réagir, je me laissais entraîner dans le reste des explications de mon nouveau job. La dissonance entre la nonchalance de mon supérieur et l'énormité de ce qu'il venait de me dire m'avait anesthésiée. La fin de ma première journée arriva sans crier gare. Comme personne n'avait mentionné l'annonce de ce matin, je décidais qu'il s'agissait d'un énorme canular, un bizutage pour la nouvelle, qui aurait demandé la participation de l'intégralité de l'étage, mais hé, peut-être que la culture d'entreprise était vraiment aussi poussée là-bas !
Mais lorsque la trompette retentit de nouveau le lendemain matin, ma théorie s'effondra. D'autant plus que quelqu'un avait été appelé.
« NADINE-FRANÇOISE BULSEC DU DÉPARTEMENT MARKETING. VOS PERFORMANCES SONT EN DESSOUS DE VOS OBJECTIFS TRIMESTRIELS. PAR CONSÉQUENT, LA RH A DÉTERMINÉ QUE VOUS SEREZ ÉCARTELÉE SUR LE PARKING DE L'IMMEUBLE. VEUILLEZ DÉBARRASSER VOS AFFAIRES. »
« Woh putain un écartèlement ! C'était pas arrivé depuis Marc-Henri y'a trois ans !
- Dommage pour Nadine-Françoise, quand même... Je crois que j'avais une touche avec.
- Haha dans tes rêves !»
C'était donc vrai. L'annonce me remplit d'un effroi total, paralysant. Je trouvais quand même la force de me lever, voulant crier au reste des employé-e-s pourquoi iels acceptaient ça... Mais je fus interrompue par la vision d'une femme, au bout du couloir, qui quittait son bureau avec ses affaires dans les bras. Elle avait l'air absent, résignée.
[Inachevée. Je pense qu'il y a suffisamment de matériel pour une petite nouvelle.]

Date : 7/9/2024

Exercice : Phrase thème. Écrire un texte à partir d'une phrase donnée, en s'en servant comme thème et/ou en l'incluant dans le texte. Ici : "C'est ainsi qu'il entra dans ma vie pour ne plus jamais en sortir" et "Pourquoi il faut absolument que je meure ?"

Il se repositionna dans son fauteuil pour pouvoir mieux admirer le feu. Il remarqua alors que la bûche était presque intégralement consumée : il se leva et en rajouta une dans l'âtre.
"Si seulement c'était aussi facile pour moi..." murmura-t-il.
Son regard se perdit dans les flammes. Dans le silence de son salon, on n'entendait que le crépitement provenant de la cheminée et le léger bourdonnement des machines auxquelles son corps était branché.
Dans le silence de son salon, le professeur Elnezar de Montcharron contemplait sa vie. Les nombreuses, très nombreuses années de sa vie. Trop nombreuses pour certains. Pour celles et ceux qui ne comprenaient pas ce que lui sacait et qui, ingrats patentés, ne voyaient pas le bénéfice qu'ils en tiraient.
"Pourquoi faut-il absolument que je meure ?"

Le professeur venait de recevoir le prix spécial de l'Académie des Sciences de Paris pour l'ensemble de sa carrière. Cette célébration de tout ce qu'il avait accompli d'extraordinaire, de tout ce que l'humanité lui était redevable, au lieu de le remplir d'un sentiment d'accomplissement, lui donna plutôt l'impression de poser la dernière tuile au sommet de la forteresse de sa réussite avant qu'on ne passe à autre chose. Tenez, professeur, merci pour tout, mais il va falloir laisser la place, maintenant. À 70 ans passés, il se sentait encore plein d'énergie et surtout, plein d'idées. N'avait-il pas repoussé les limites de ce que l'on pensait de la physique ? Comment ne pas vouloir assister à l'épanouissement de champs théoriques et pratiques dont il avait révélé l'existence ? Il lui restait tant à apporter à l'humanité ! À révolutionner ! Et on voulait le mettre à la porte ? L'écarter des laboratoires ? Pourquoi, parce qu'il était vieux ? Le voyait-on déjà un pied dans la tombe ?

"Pourquoi faut-il absolument que je meure ?"
Cette phrase, il la prononça dès le lendemain en réunion de laboratoire, en présence de ses plus fidèles collaborateurices.
"Vous êtes malade, professeur ?" commença l'une, brisant le silence confus qui s'était installé.
- Non. Je n'ai jamais été aussi en forme.
- Alors qu'y a-t-il ?
- Il y a que je refuse d'abandonner l'humanité. Ni maintenant, ni plus tard, ni jamais. Vous le savez mieux que quiconque, j'ai beau avoir accompli tant de choses, j'en ai encore plus devant moi. Si je vous ai réunis ici, c'est que pour nous travaillions ensemble vers un seul but : me rendre immortel."
C'est ce jour-là qu'Elnezar posa son objectif. C'est ainsi qu'il entra dans sa vie pour ne jamais en sortir.

Il n'eut aucun mal à se rapprocher des plus grand-e-s spécialistes en vieillissement du corps humain pour apprendre auprès d'elleux les mécanismes à l'œuvre et qu'il lui fallait contrer. Bien sûr, il était déjà familier avec les douleurs, la fatigue et la perte, il avait commencé des traitements et il était suivi par une foule de médecins. Mais il lui fallait aller plus loin. Stopper le processus. L'inverser. L'approche de la régénération de l'ADN lui sembla la plus prometteuse. À sa décharge, le professeur était un vrai génie. En peu de temps, il apporta plus au champ de recherche que celleux qui l'y initièrent. Il savait aussi repérer avec une exactitude presque terrifiante qui saurait le suivre, qui saurait l'accompagner et apporter une large et solide pierre à l'édifice scientifique. Et bien sûr, de Montcharron n'oubliait pas pourquoi il faisait cela. Pour qui. En s'aidant, il aidait tout le monde. L'espérance de vie de nombreuses personnes augmenta drastiquement sur toute la planète. Il lui semblait qu'il était en train d'attendre son objectif. Jusqu'à ce qu'un collègue rentre dans son bureau, la mine contrite.
"Professeur, j'ai les résultats... Nous avons tout essayé. Et à chaque fois, c'est la même chose. La régénération a une limite. Nous ne pouvons le faire éternellement."
Elnezar ne dit rien. Il se leva, contemplant quelque chose au dehors.
- Professeur ?... - C'est ma faute." lança-t-il enfin. "Je nous ai lancé sur une fausse piste dès le début. Évidemment que la chair est faillible. J'aurais dû anticiper la limite de la régénération. Mais ne vous en faites pas. Il est encore temps. Je connais la bonne direction."
Il se tourna vers le scientifique, posa la main sur son bureau-ordinateur qui s'activa à son toucher.
"C'est vers la machine qu'il faut nous tourner."

De nouveau, il lui fut facile d'attirer les expert-e-s dont il avait besoin. Il lui suffit d'annoncer la création d'un nouveau laboratoire pour qu'accourent vers lui les cybernéticien-ne-s, les spécialistes des interfaces neurales-circuits, les électronicien-ne-s, les codeureuses. Les avancées dans ce qu'on appelait toujours "la tech" avaient beau être devenues presque banales, rien n'avait préparé le public au bond qu'il allait expérimenter dans les années qui suivirent la nouvelle orientation du professeur. La distinction entre la machine et son utilisateurice s'effaça encore plus. Le terme "cyborg" rentra dans le vocabulaire courant. Mais le plus surprenant fut sans nul doute la démocratisation de la culture des pièces de rechange, dans le commerce.
Le corps du professeur évoluait de la même manière que celui de la société. Il devint de plus en plus synthétique. De plus en plus efficace. Il lui sembla réellement gagner une nouvelle jeunesse, bien plus que lorsqu'on lui avait recréé son ADN. Il pouvait même désormais faire des choses qu'il n'aurait jamais imaginé auparavant. Communiquer de façon totalement nouvelle, dépassant même la pensée.
Mais toujours l'immortalité se refusait à lui. Les pièces se changeaient, mais comme pour ses brins, plus on les changeait, plus c'était difficile à faire. Il avait beau avoir franchi ce que l'on considérait à l'époque comme l'ultime frontière : le cerveau synthétique, cela ne suffisait pas. Voilà pourquoi, en cette nuit, le professeur Elnezar de Montcharron, l'homme qui avait vainci la mort à plusieurs reprises, celui qui avait toujours existé pour un nombre extraordinaire de générations, lui qui avait enterré plus de descendant-e-s que n'importe qui dans l'histoire de l'humanité, cet homme, ce surhomme, était rongé de l'intérieur.

Rongé par un sentiment qu'il pensait avoir banni de sa vie. Qu'il n'avait jamais considéré quand il se présentait à lui, car il savait que derrière se trouvait le succès.
Le professeur Elnezar de Montcharron était rongé par un inextinguible sentiment d'échec.
Dans son salon au coin du feu, branché à des machines que seule une poignée d'êtres sur Terre pouvait expliquer le fonctionnement, le professeur ne voyait pas l'impact de son existence sur l'humanité. Il ne voyait pas qu'il avait redéfini la notion même d'humanité.
Il avait redéfini la vie. Mais il ne le voyait pas.
Il contemplait les bûches qui se consumaient et ne voyait que la mort.

Date : 29/6/2024

Exercice : Incipit. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

Le temps m'a semblé suspendu en cet après-midi d'été, lorsque la pluie s'est retirée pour laisser place au soleil. Il faut dire que cela n'était pas arrivé depuis des semaines. De mémoire d'habitant-e, on n'avait jamais eu un printemps aussi pourri. Aussi avions nous toustes eu l'impression d'assister à quelque chose de miraculeux, d'hors du temps, lorsque les nuages sont enfin partis...

En ce qui me concerne, cette éclaircie avait une saveur toute particulière, qui en faisait vraiment un moment magique. Elle me rappelait que j'étais enfin libre. Que je m'étais finalement échappée et que je n'y retournerai jamais. Forcément, mes pensées finirent par glisser vers cet endroit. Mais je me sentais prête à les affronter, maintenant. J'étais sortie depuis suffisamment longtemps. Je pouvais les regarder en face.

Je fus ramenée malgré moi au début de cette histoire. Ce jour-là, je me suis retrouvée là sans comprendre pourquoi. Aucun motif ne m'a été donné. Pas une explication, rien. Juste la surprise, la violence, les ténèbres, puis une lumière si crue qu'elle vous brûle les yeux. Je ne comprenais pas ce qu'on me voulait. On me criait dessus, on me posait des questions dont je ne saisissais pas le sens, on m'insultait. Je comprenais qu'on attendait quelque chose de moi, mais je ne comprenais pas quoi. Personne ne prêtait attention à mes cris d'innocence, à mes supplications. Je mentais, c'était évident.

Lorsque les coups ont commencé, j'ai vraiment fait en sorte qu'iels m'écoutent. Je leur ai tout dit, tout ce qu'iels voulaient entendre, donné tous les noms qu'iels attendaient. Ça a marché, un temps. Les coups ont cessé. Mais iels ont dû finir par comprendre que je leur avait raconté n'importe quoi, alors ça a recommencé. D'abord pour me faire cracher les vrais noms, puis pour me punir, puis simplement parce que c'était devenu leur habitude. Mais iels finirent par se lasser. Je sortais de moins en moins de ma cellule. À travers la fenêtre, je pouvais voir le ciel. J'apercevais des montagnes. Elles me rappelaient qu'un monde existait à l'extérieur, au-delà des cris et de la violence. À cette époque, je haïssais la pluie, car je ne voyais plus les montagnes. Je voulais voir le soleil.

Je pense qu'on en a eu assez de s'occuper de moi pour rien. Iels ont préféré se débarrasser de moi. On m'a de nouveau mise dans les ténèbres, sans m'en sortir, cette fois. À en croire les bruits, j'étais sur un bateau. Quand il s'est arrêté, c'est là que j'ai compris que c'était fini. Il faut dire qu'un coup de feu, c'est facile à identifier, surtout quand il est tiré aussi près de vous. J'ai appris plus tard que cette façon de faire leur permettait de cacher facilement les corps que produisait ce lieu.

Je pensais donc que j'étais morte. Mais ce n'est pas ce qui se produisit quand la détonation retentit juste en face de moi. Je fus tout de même poussée à l'eau et lestée comme j'étais, je ne remontais pas. Néanmoins, mes liens finir par se défaire. J'émergeais du côté opposé d'où je venais. J'étais entouré de visages souriants. Une vision qui m'était étrangère depuis bien trop longtemps/

Le lac reflétait le ciel bleu, je penais à reprendre mon souffle, je n'avais même pas commencé à prendre conscience que j'avais réussi. Mes nouveaux et nouvelles ami-e-s me tendirent la main et me sortirent de cet endroit, en m'expliquant comment iels avaient fait.
Tout en les écoutant je regardais le ciel bleu. Les montagnes étaient parfaitement visibles.

⁂⁂⁂

Exercice : Thème. Écrire un texte ayant un thème donné. Ici : "le conflit" (plus un thème bonus : "la marche").

"On est perdus !
- Mais noooooon, on n'est pas perdues, ça va...
- Si, on est perdus, j'te dis ! Est-ce que tu as la moindre idée d'où on va ?
- Évidemment ! On va vers le sommet, là !
- Ah ouais ? Comment tu peux en être sûre ?
- Ben le chemin monte, non ? Donc il va vers le sommet. C'est logique."
L'exaspération de Jacques était palpable.
"Est-ce que tu peux me PROUVER (le mot était tellement appuyé qu'on pouvait entendre le rouleau compresseur dans la voix de Jacques) que ce chemin ne va pas redescendre ? Que sa destination finale est réellement le sommet ? Et pas un quelconque point de vue panoramique comme cette montagne en regorge ? Est-ce que tu as une carte pour me montrer que c'est bien le cas ? Est-ce que tu vois des balises ? EST-CE QUE TU PEUX FAIRE ÇA, JUSTINE ?
- J'ai vu une balise... Il y a pas longtemps...
- J'y crois pas." Les bras lui tombèrent le long du corps. "Ça fait UNE HEURE que je te dis qu'on est en train de se perdre. Ta balise, elle doit être à des kilomètres."
Justine ne répondit pas. Jacques se tourna vers Mia.
"Ça te fait rien à toi, qu'on se soit perdus sur ces sentiers ?"
Mia le regarda d'un air sombre avant de répondre.
"Moi je ne voulais pas aller marcher de toute façon.
- Rôh, allez, Mi !" enchaîna Justine, flairant une ouverture pour redorer son image. "Ça te fait du bien de te bouger un peu ! D'être dans la nature, de bouger, de respirer... T'es pas bien là ?
- Non elle n'est pas bien, Justine," repris Jacques, bien décidé à ne lui laisser aucune porte de sortie, "parce qu'elle est perdue en pleine forêt, au beau milieu de la montagne. Alors ne change pas de sujet !"
Ces paroles ne l'empêchèrent pas de s'adresser de nouveau à Mia.
"Ça te fait rien à toi qu'elles nous ait entraînés sans savoir où elle allait ?
- Non mais ça va, hein, c'est toit qui a accepté de la suivre. Et t'as pas de carte ou quoi non plus.
- Mais c'était pas à moi de préparer la rando ! C'était SON idée à elle ! Je lui faisais confiance, moi !
- Alors là je suis désolée, Jacques, mais c'est entièrement ta faute pour avoir fait confiance à Justine sur un truc."
Un silence s'installa, gêné, honteux ou blasé, selon où l'on se plaçait sur le chemin. Qui amorçait une descente.
"Ça me fait mal de le dire," commença doucement Justine, "mais Mia a raison. Tu n'aurais pas dû me faire confiance et me laisser gérer la randon toute seule. Je merde à chaque fois.
- Dis pas ça," répondit-il, piteux, "c'est pas vrai... Tu cherches juste à ce qu'on t'excuse, là.
- Non, je suis sérieuse. Je sais que je rate souvent ce que je fais. Et j'espérais que cette rando soit différente. Et elle peut encore l'être ! Je vous ai dit que j'ai regardé la carte avant de partir, je me souviens du chemin. On est dans la bonne direction, c'est sûr !"
Personne ne répondit. Jacques sembla vouloir parler mais il s'abstint.

Les trois marchèrent en silence pendant quelques minutes. La forêt était toujours aussi épaisse. Au moins le chemin avait commencé à remonter.
"Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas marche arrière ?" lança d'un coup Mia, brisant le silence.
- Quoi ?" demanda Justine.
- Feur." répondit Mia. "Plus sérieusement," (Jacques pouffa) "pourquoi si on est perdues, on n'arrête pas tout simplement d'avancer sur ce chemin ? On n'a pris aucun croisement depuis un bon moment. Si on revient sur nos pas, on devrait arriver à rentrer sans trop de problèmes.
- Non."
Mia et Jacques s'arrêtèrent, mais Justine continua de marcher.
"Elle a raison" lança Jacques. "C'est la meilleure chose à faire !
- Et moi je vous dis que le sommet est par là !" répliqua Justine qui commençait à s'éloigner.
"Allez, Justine, merde, soit pas conne." interjecta Mia. "À quel moment on accepte qu'on a assez donné ? Moi j'ai atteint ma limite."

Date : 24/5/2024

Exercice : Incipit. Écrire un texte qui commence par une phrase donnée.

Il se tenait debout devant un miroire, quand il bascula.
Ces objets réfléchissants l'avaient toujours perturbé. Comment savaient-ils toujours quoi représenter ? Pourquoi ne s'amusaient-ils pas à tordre nos reflets de temps en temps ? Pour lui, un tel excès de zèle de la part des psychés ne pouvait que cacher quelque chose. Imaginez : gagner la confiance de l'humanité en réfléchissant scrupuleusement ce qui se trouvait devant eux pendant des millénaires... Pour un jour mieux nous trahir en se mettant subitement à afficher n'importe quoi ! L'humanité serait à genoux ! Bien entendu, les espiègleries des miroirs déformants de fêtes foraines ne comptent par, car déformer, c'est ce qu'on leur demande de faire. Leur trahison devrait prendre une toute autre forme...

Voilà le genre de pensées qui lui traversait l'esprit pendant sa chute à travers le miroir. Il s'était toujours attendu à une fourberie venant de ces objets, mais il devait reconnaître que "ne pas présenter de résistance physique au contact" était une éventualité qu'il n'avait jamais envisagé.

Ces miroirs étaient décidemment bien plus fourbes que prévu. La chute commença à lui paraître longue et il en vint à redouter le moment où il toucherait enfin le sol. Il se demanda s'il ne vaudrait pas mieux se mettre en position la tête la première, pour rendre l'impact immédiat et définitif. Heureusement, il n'eut pas à trancher la question. Il se trouvait sur une grève, au bord de l'eau. La chute n'était déjà plus qu'un souvenir. Regardant autour de lui, il ne vit rien à, part la brume, qui recouvrait tout, cachant l'horizon de la mer ainsi que son environnement immédiat.

Au moins, il y avait le bruit des vagues. Ça avait quelque chose d'apaisant. Il se laissa l'écouter quelques minutes. Bien qu'il soit complètement perdu, rien ne le pressait. Bien lui en pris, probablement, car des silhouettes se détachèrent bientôt du brouillard, s'approchant de lui. Il ne bougea pas. Il les attendait. Il faut dire qu'il les avait reconnues tout de suite. Sa carrure et sa démarche lui étaient trop familières : c'était lui-même. En trois nouveaux exemplaires.
"Bienvenue." commença le premier.
- Où suis-je ?" s'enquérit-il.
- Ça n'a pas vraiment d'importance." Le second fit un geste de la main pour écarter la question.
- D'accord. Et le pourquoi ? Est-ce que c'est important ? Pour moi ça l'est."
Le troisième planta son regard dans ses yeux et lui dit :
"C'est James qui veut te voir."
James. Évidemment. Les choses n'avaient toujours pas de sens, mais elles étaient devenues plus claires. Il porta machinalement la main à sa poche. Elle rentra en contact avec quelque chose d'humide. Du sang. Il saignait.
Il regarda tour à tour ses 3 doubles, qui comprirent, instinctivement sans doute, sa question.
" C'est ta première épreuve.
- Tu dois trouver comment te sortir de ce mauvais pas.
- James veut te voir.
- Mais si tu te vides de ton sang et que tu meurs, tu ne pourras pas le voir.
- Comment vas-tu faire ?
- Comment peux-tu survivre ?"
Les trois le fixaient d'un air neutre. Donc, il était mis à l'épreuve. Soit. Il connaissait bien James, vraiment bien, il avait donc une idée de la marche à suivre.

Il regarda de nouveau la main qui avait touché le sang. Évidemment, il y avait maintenant un couteau dedans. Il serra le manche, pris une respiration et le planta de toutes ses forces dans le ventre du premier.
Le double s'effondra instantanément. Les deux autres ne cillèrent pas. Tandis que la vie disparaissait des yeux de son double, il se sentit plus en forme. Le sang avait disparu. Il était soigné.
Il avait passé la première épreuve de James. Il se demandait bien quelles seraient les suivantes.

Date : 11/5/2024

Exercice : Nuage de mots. Écrire un texte en y incluant le maximum de mots de cette liste : diffraction, se réjouir, naviguer, éternel, odeur, biais, montre, chaud, vague, infini

Il regarda sa montre.
"Tu veux te lever ?" lui demanda-t-elle.
- Pourquoi est-ce que je voudrais me lever ? Tu as une idée de comme je suis bien là ?
- Oui. Parce que moi aussi.
- Si cette matinée pouvait s'étirer jusqu'à l'infini, je serais le plus heureux des hommes."

Il l'embrasse, puis restèrent allongé-e-s sur le lit, dans les bras l'un de l'autre, avec rien d'autre à faire que de profiter de la présence de la personne qu'iel chérissaient le plus au monde.
Après un long moment à juste se regarder dans les yeux, elle dit enfin :
"Je commence à avoir un creux."
Il rit.
"Alors il est temps de s'extirper de cette mer de draps pour naviguer jusqu'à la cuisine et se préparer un délicieux petit-déjeuner.
- Un petit déjeuner ? Quel manque d'ambition ! Je ne veux rien de moins qu'un brunch.
- Un brunch ! Voilà qui est intéressant ! J'aime les défis."

Il se leva d'un bond et se précipita, à grands renforts de gestes théâtraux, vers la cuisine. Elle le regarda s'éloigner en mimant nager à contre-courant, luttant contre les vagues. Quand il eut disparu de sa vision, elle se leva elle aussi et se dirigea à sa suite. Elle se réjouissait d'avance de ce qu'iels allaient préparer. Il était déjà en train de sortir tous les ingrédients : farine, œufs, lait, tofu fumé, confiture, pains divers, céréales, pousses de mâche, jus de fruits, thés en tous genres... Elle s'occupa de ustensiles et de mettre la table avant la main à la pâte. À pancakes, en l'occurence.
Les odeurs de leurs préparations se diffusaient dans la cuisine, augmentant leur anticipation.

"Tu me passe le fouet ?
- Tiens.
- Merci
- Je t'aime.
- Je t'aime.
- J'ai vu la programmation de la salle de concert, là, tu sais, qui vient d'ouvrir. Ça a l'air franchement pas mal.
- Ah oui ? Il faut qu'on aille y faire un tour alors."

Quand toutes les préparations furent bien chaudes, iels s'attablèrent pour profiter de la bonne bouffe et aussi de chacun et chacune. Quelle lumière il y avait ce matin dans la cuisine.

"Ha ha, c'est marrant, tu as un arc-en-ciel sur ton t-shirt !
- Ah oui ! Je n'avais encore jamais remarqué que cette fenêtre faisait cette diffraction.
- On se retrouve demain à la même heure pour voir s'il revient, le petit arc-en-ciel.
- Deal.
Il mâcha un bout de pancake puis s'arrêta, le regard dans le vide, pendant quelques secondes. Elle pencha la tête de biais, intriguée.
"Qu'est-ce qu'il y a ? - Tu crois que ce qu'on a là, ce qu'on vit... Ça peut être éternel ?"
Elle sourit, touchée par sa naïveté.
"Je ne sais pas. Mais je l'espère de tout mon cœur.
- C'est déjà pas mal."

⁂⁂⁂

Exercice : Synopsis. Écrire le synopis d'une histoire qui pourrait être une BD, un roman, un film...

L'histoire se passe dans un monde semblable au nôtre. Le truc, c'est que ça commence par la destruction de ce monde. On voit le monde qui tourne, les gens qui le peuplent vivre leur vie, rien de spécial, quand tout à coup... BAM ! Tout pète ! Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Le noir, le néant. Rien.

Enfin, pas tout à fait : il y a encore quelque chose. Une jeune fille, qui a réchappé à tout ça. Elle ne sait pas pourquoi. Comme répondant à ses cris, apparaît alors devant elle une divinité qui lui explique qu'elle a choisi de détruire ce monde, pour mieux le reconstruire. Et elle a déterminé que la meilleure personne pour le faire, c'est la jeune fille. Là, la jeune fille a une idée : elle demande à ce que le monde contienne exactement les mêmes choses qu'avant sa destruction. Et donc, miracle, ce qu'elle espérait se produit : le monde est recréé à l'identique, sa destruction annulée.

La divinité s'adresse à la jeune fille pour lui dire qu'elle a fait ce qu'elle avait annoncé : elle a suivi ses instructions. Puis elle lui demande si c'est vraiment ce qu'elle veut. Retrouver le monde d'avant. La jeune fille, rassurée de retrouver tout ce qu'elle avait perdu, prend alors conscience de l'opportunité qu'elle a : créer un monde parfait. Elle annonce à la divinité qu'elle accepte sa mission.
L'idée de la jeune fille est la suivante : elle ne va pas recréer le monde de rien, elle va demander à la divinité d'enlever ce qui ne va pas. La divinité lui dit que c'est une manière possible de le faire. La jeune fille repense alors comme elle a été triste lorsque son père est mort. Elle demande alors un monde sans mort. Forcément, le résultat n'est pas beau à voir : un monde totalement métastasé, car tout refuse de mourir. Horrifiée, la jeune fille demande un reset.
Elle demande un monde sans méchanceté. Le résultat est affreux, encore.
Pareil pour un monde sans violence, sans volonté de nuire...
Elle comprend qu'elle va avoir à trouver ce qu'il faut seule.

Elle a alors l'idée de demander un monde où tout le monde sait qu'elle a ce pouvoir. Elle se place ainsi en prêtresse de la divinité et elle écoute les doléances des humain-e-s pour améliorer le monde. Ainsi elle fait appel à l'humanité entière pour créer le monde parfait.
Pendant un temps, cela fonctionne. Sauf qu'à force de modifier le monde sur demande, les systèmes deviennent de plus en plus instables, il faut de plus en plus modifier le monde... Et ça devient de plus en plus difficile pour la jeune fille d'assumer cette responsabilité. Jusqu'à ce que la situation deviennent insupportable pour tout le monde et qu'une foul, face à l'apocalypse, vienne se venger sur la jeune fille. En désespoir, elle demande à ce que le monde soit détruit. Elle se retrouve face à la divinité, encore une fois. Qui lui explique sa mission n'est pas terminée. Mais la jeune fille n'en peut plus. Comme la divinité insiste, la jeune fille lui demande de partir. La divinité lui demande si c'est vraiment cela qu'elle veut. Elle comprend que oui. Elle comprend qu'elle doit demander un monde sans intervention divine. Car personne ne peut porter le changement du monde à elle seule.

L'histoire se termine sur la jeune fille, seule, exactement à l'endroit où elle a commencé l'histoire. Elle regarde le médaillon-souvenir de son père.

Date : 4/5/2024

Exercice : Nuage de mots. Écrire un texte en y incluant le maximum de mots de cette liste : voyager, supporter, mariage, fluide, fichtre, poliment, surprise, mégalithe, vagues, grandir.

"Fichtre !" s'exclama Lord Dyron. "Comme tout ceci est excitant !
- Voyons, mon ami ! Croyez-vous vraiment que cela soit le moment de s'extasier de la sorte ?"

La moustache du noble britannique trembla légèrement. Dire qu'il avait accepté de voyager ainsi pour faire plaisir à sa jeune épouse, et la voilà qui se plaignait dès la première surprise ! Il en vint à douter fugacement de la longévité de ce mariage.
Toutefois, cette pensée s'échappa rapidement de son esprit. En effet, il y avait plus urgent : le bateau pirate approchait.

Lord Dyron se tourna vers le capitaine Blazsmizth, un vieux loup de mer qui avait accepté de transporter les deux époux par-delà l'océansur son bateau marchand,au nom d'une ancienne dette envers la famille de son épouse. C'était un homme de cran, buriné, scarifié, qui avait navigué sur plus de mers que n'en verrait jamais Lord Dyron de sa vie. Et cet homme, ce roc, ce mégalithe, qui avait fait de la mer son lit, cet homme, donc, était actuellement très occupé à, pour le dire poliment, chier dans son froc.

"Vous semblez perturbé, captain. J'imaginais que les attaques de pirates faisaient partie de votre quotidien ? Ou, disons, de votre hebdomadaire ?
- Avec tout l'respect que j'vous dois, mylord, c'pas un SIMPLE bateau pirate qui nous approche, là maint'nant. C'est le bateau de Roger Le Faucheux. Personn' qui l'a jamais rencontré en est jamais rev'nu.
- Si cela est vrai, comment se fait-il que nous connaissions son existence, captain ?" objecta Lady Dyron. Elle gérait la contrariété en rendant la vie de son entourage plus misérable que la sienne.
Le marin ne pris pas la peine de répondre. Il jeta sa pipe sur le pont et, d'un geste fluide, se jeta par-dessus bord.

"Mais enfin !" s'offusqua Lady Dyron. "Quelqu'un ici va-t-il enfin faire quelque chose à propos de ces pirates ? Mon ami, ne restez pas planté là !"
Le bateau ennemi filait à toute allure sur les vagues. On le voyait grandir à vue d'œil.
"Ma chère, je pense qu'il vous faut désormais vous préparer à devoir supporter le difficile, mais néanmoins vivant, statut d'otage."

Date : 21/4/2024

Exercice : Nuage de mots. Écrire un texte en y incluant le maximum de mots de cette liste : aube, rayonnement, pansement, nature, soleil, yaourt, musée, dessin, amitié, fraise, carnaval, hibiscus.

"Tu ne trouves pas que ça a un goût de fraise ?"

Il porta de nouveau l'infusion à ses lèvres et la goûta. Le soleil frappait agréablement son visage, perçant à travers les frondaisons, son rayonnement réchauffant les deux.

"Oui, c'est vrai.
- C'est tout ce que ça t'inspire ?" s'amusa-t-elle. "Ce n'est pas ce qu'on attend de fleurs d'hibiscus, pourtant !
- Déjà, on n'est pas sûr-e-s que ça soit de l'hibiscus. C'en est probablement pas, ça y ressemble, c'est tout.
- Ok mais tu ne trouves pas ça fascinant ? Tout ce qui nous entoure ?
- Je trouve la nature fascinante de base, oui. Et celle dans laquelle on se trouve encore plus.
- Alors pourquoi tu as l'air aussi morose ?
- Je ne suis pas morose. Je suis préoccupé. On marche depuis l'aube, je te rappelle, et on n'a pas progressé d'un pouce.
- Oh, arrête, ça ne sert à rien d'angoisser ! On est en vie, non ? C'est ce qui compte !
- À ce propos, il tient ton pansement ?"

Elle marqua une pause. Elle évitait son regard.

"Tu aurais dû m'en parler..." il se voulait le moins accusateur possible, mais l'angoisse qui pointant dans ses paroles les rendait plus amères qu'il ne le voulait. Bordel, son insouciance était le plus souvent bienvenue, mais dans une situation aussi précaire que celle actuelle, elle mettait plutôt à mal leur amitié...

"Montre-moi."

Elle lui tendit son bras, relevant délicatement la manche. Le tissu qui avait servi à panser la plaie était gorgé de sang séché. La plaie était visible... Et pas belle à voir.

"Bon," fit-il en se relevant, "hors de question de bouger d'ici tant que ta situation ne s'est pas améliorée.
- C'est si grave ?
- J'ai pas besoin de te faire un dessin.
- Mais il y a encore tant à voir ici ! Je ne veux pas en rater une miette !"
Qu'est-ce qu'elle l'exaspérait parfois.
"Tu te crois au carnaval ? Ces plantes ne sont pas des attractions à visiter une par une !"

Elle retira son bras, blessée. Il se sentit un peu bête. Quand il est question de survie, se disputer est contre-productif.

"On va monter un vrai camp, le temps nécessaire. Il faut aussi que tu reprennes plus de forces. Tu veux un yaourt ?
- Il reste encore des provisions ?
- Environ la moitié.
- Le musée est plutôt prévoyant pour ses expéditions.
- Pas assez en ce qui concerne les premiers secours. Allez, aide-moi à sortir le matériel."

⁂⁂⁂

Exercice : phrase de départ. Écrire un texte qui commence par une phrase choisie par le groupe.

"Aujourd'hui, grosse promotion sur les sardines à l'huile !"

La phrase tournait en boucle dans les hauts-parleurs du supermarché. Elle était suivie d'autres paroles encore plus enthousiastes, vantant les mérites de ces fameux poissons en conserve, aussi bien gustatives que nutritives et sans oublier la vertu de leur origine, car il est bien connu que la partie la plus importante du fretin, c'est sa carte d'identité.

De toute façon, il ne l'écoutait pas. Il n'avait aucune raison de le faire. Il était ici par obligation et c'était rien de moins qu'un miracle qu'il fut là à se faire agresser les oreilles à propos de sardines. Il ne saurait dire d'où lui était venue l'énergie qui lui avait permi de se rendre au supermarché aujourd'hui. Alors qu'elle brillait par son absence tous les autres jours. Peut-être que la faim, couplée à la certitude que chaque placard, chaque étage du frigo, chaque assiette sale avait été vidé de la moindre substance nutritive qui pouvait s'y trouver, avait activé un réflexe de survie primaire. Un réflexe qui l'avait envoyé à Carrefour. Putain, que c'était pathétique... Cette pensée faillit lui faire faire demi-tour, mais avant de tourner les talons, son regard capta la présence d'un étal de bananes dans l'allée principale et son estomac se manifesta. Ainsi, ce fut bel et bien la faim qui lui fit franchir le portail d'entrée avec son caddie. Il n'en tira aucune satisfaction.

Une fois quelques bananes placées dans le chariot, il fallut se rendre à l'évidence : il n'avait pas de liste de courses. Il était venu ici, dans le temple de la consommation, sur l'idée basique de "Il me faut à manger". Mais qu'allait-il manger ? Il n'avait pas poussé la réflexion aussi loin. Et maintenant qu'il était là, avec 5 bananes posées sur une grille métallique qui le regardaient avec une indifférence qui aurait été douloureuse si elle n'émanait pas de bananes, que devait-il faire ? L'idée de réfléchir à ce dont il avait envie pour établir une liste de courses le fatiguait d'avance. L'alternative qui consistait à visiter l'ensemble des rayons du supermarché à l'affut de quelque chose qui l'attirerait ne l'emballait guère plis. Aussi solutionna-t-il son problème avec un compromis incorporant les pires aspects des deux options : il poussa lentement son chariot à travers tous les rayons sans regarder le moindre produit.

"Bonjour ! Vous voulez goûter une sardine ? Elles sont en promotion aujourd'hui !"

La voix de l'employé l'avait pris par surprise. Il en était à contempler de remplir son charriot de dentifrice juste pour justifier sa venue quand il l'avait entendue. Après, le dentifrice, c'est utile, non ? Donc en acheter en grande quantité, c'est être prévoyant, et en aucun cas le signe qu'on a un sérieux problème, n'est-ce pas ?

"Monsieur ?"

De nouveau rappelé à la réalité. Il regarda l'employé dans les yeux. Il lui tendait un petit morceau de sardine, planté au bout d'un cure-dent. L'employé ne semblait pas se rendre compte de l'absurdité de la situation. Pour lui, cela devait être normal. Après tout, il était payé pour ça. Qui sait combien de morceaux de poisson huileux il avait demandé d'ingérer à des personnes venues remplir leurs placards ? Ce qui lui semblait être un acte d'une incongruité absolue à ses yeux n'était pour le salarié de Carrefour qu'un geste même pas digne de former un souvenir. Enfin, il le serait bientôt s'il continuait de le fixer sans rien dire...

"Euh... Merci."

Il attrapa le cure-dents et porta le morceau à sa bouche. Le goût était plus salé que ce à quoi il s'attendait/ Mais ce n'était pas désagréable. Au contraire.
Il mâche le morceau, se surprenant à prendre le temps de le savourer. Oui, savourer. C'était le mot. Les yeux dans le vide, il dégustait véritablement la sardine. L'employé en semblait satisfait.

"Une boîte achetée, une boîte offerte."

Il ne répondit pas tout de suite : son morceau n'était pas fini. Il profita jusqu'au dernier moment avant d'avaler, et s'autorisa une seconde de reminiscence avant de s'adresser à l'employé pour lui prendre deux boîtes.

Cette interaction le laissa légèrement sonné. C'était la première fois qu'il adressait la parole à quelqu'un depuis cinq semaines. Et à propos de sardines. Coupant court à sa réflexion, il se dirigea machinalement vers le rayon conserves. Il lui fallait du concentré de tomates, il lui semblait que ça serait bon avec ses sardines. Il lui fallait aussi du pain, les trois combinés formeraient un excellent toast. Oh, pourquoi ne pas boire de l'eau gazeuse avec ça ? Ça fait si longtemps qu'il n'avait pas ressenti ce petit pétillant !

Quelques minutes plus tard, il était dehors. Et il avait son dîner dans son sac. Ça ne remplirait pas ses placards, mais au moins il ne mourrait pas de faim. Ah ça non, pas tant qu'il aurait ses délicieuses sardines à déguster !
Il plongea la main dans son sac. La boîte de sardines était froide dans sa main, d'un jaune très vif, très engageant. "Del Sol" en était la marque. Un appel au soleil, à la lumière.
C'est dans l'obscurité que la lumière a le plus de valeur.

Date : 6/04/2024

Exercice : Nuage de mots. Écrire un texte en y incluant le maximum de mots de cette liste : jeter, subjectif, spirale, cactus, se protéger, aimer, hippocampe, destrcution, aléatoire, déambulateur, étoile du berger, lunettes 3D.

Il se releva. L'air était frais et vif. Normal, c'était la nuit. Et il était en plein désert, à en croire les cailloux, le sable, les cactus et l'horizon qui le submergeait de tous les côtés. Comment il s'était retrouvé là, il n'en avait aucune idée. Enfin, disons qu'il ne savait pas par quel procédé il avait atterri au milieu de nulle part. Le pourquoi, il en avait une idée assez précise, vu qu'on le voulait hors de la ville. Peu importe qu'on l'envoyât dans un endroit aléatoire, tant qu'il n'était plus sur leur territoire.

La nuit était toute jeune, à en juger par le fait que l'étoile du berger n'avait encore que peu de concurrentes dans le ciel. Il fallait donc qu'il sa'active et profiter de la fraîcheur pour se déplacer avant la fournaise du jour. Il tenta de s'élever, mais immédiatement quelque chose foira : au lieu de gagner en altitude avec grâce, il s'envola violemment en spirale sur quelques mètres avant de s'écraser un peu plus loin. Il se releva péniblement et admira le sillage de destruction laissé par son atterrissage.

"Merde, non seulement je me suis fait jeter hors de la ville, mais ils ont touché à mes systèmes..."

Un sentiment diffus d'angoisse monta en lui. Qu'est-ce qui ne fonctionnait plus d'autre ? Il tenta un scan. Tout ce qu'il réussit fut de se donner mal au crâne, lui faisant regretter ses lunettes 3D.

"Ok, je ne dois pas paniquer." Dit-il pour se rassurer. "Au moins, si je tiens debout et peut marcher, c'est que mes systèmes vitaux sont encore actifs. Pas moyen de savoir combien de temps d'autonomie il me reste, mais ça devrait me laisser le temps de quitter cet endroit. Rejoindre la civilisation."

Il commença donc à marcher dans la direction qui lui semblait dessiner le plus de formes. La nuit passa vite. Le jour se révéla aussi chaud que prévu. Pas le temps de s'arrêter pour se protéger des rayons de l'astre du jour. Ça ne lui faisait rien, si ce n'est rendre la marche plus pénible, mais il n'aimait pas ça : chaleur, rayonnements directs et circuits électroniques complexes n'ayant jamais fait bon ménage...

Au bout du deuxième jour, une forme ressemblant réellement à un bâtiment apparut à l'horizon. Jusqu'à présent, elles n'avaient été que des rochers aux formes étranges, digne d'une sculptrice à l'originalité toute subjective. Mais là, c'était indéniable : il était arrivé quelque part ! Une station de rechargement à la périphérie du désert. Quand il fut suffisamment près, un petit vieux se déplaçant en déambulateur cybernétique sortit de l'habitation. Vu sa taille, il devait y habiter seul.

"Ah bah ça, c'est pas tous les jours qu'on voit quelqu'un sortir du désert à pied, tout seul, sans l'moindre matériel... Z'êtes pas un mirage, au moins, mon gars ?
- Non, je ne crois pas. Vous avez un terminal ?"